8 mars, la journée internationale des droits des femmes, à l’occasion, nous avons rencontré Fatima Rougi, chargée de communication à la Kulturfabrik mais également engagée au planning familial et spécialisée dans la question des menstruations.

En quoi consiste votre mission pour le planning familial ?

« Je suis membre du conseil d’administration depuis 2015. Je m’occupe beaucoup de la communication du Planning Familial (interviews, revue de presse, veille politique sur les questions liées au planning) et aussi des plaidoyers politiques. Mais surtout de la charge tampons, je suis un peu la référente menstruations du planning familial. »

Comment avez-vous commencé à vous engager pour le droit des femmes ?

« Dans une autre vie j’étais journaliste pendant huit ans. Puis, je suis arrivée à un stade de ma carrière où j’étais un peu frustrée. J’avais l’impression de beaucoup parler de la société, de dénoncer les dégâts et malheurs sans proposer de solution. J’ai aussi remarqué que les sujets qui touchaient beaucoup les femmes, les droits des femmes, les menstruations… Toutes ces questions de société qui concernent la moitié de la population étaient assez peu traitées de manière journalistique. Ces sujets m’intéressaient.

Suite à une de crise existentielle, j’ai pris conscience que je n’existais pas au sein de la société dans laquelle je vivais. Grâce au journalisme, j’ai rencontré la présidente du planning familiale sous une autre casquette. Elle est aussi directrice de l’abbaye de Neimënster donc je l’avais interviewé pour un article. Nous avons eu une sorte de coup de foudre amical et nous sommes restées en contact. Quelques mois plus tard, elle est devenue présidente du planning. C’était pile au moment où je voulais davantage me mobiliser. Je l’ai donc recontactée pour savoir s’ils cherchaient des bénévoles au planning. Elle m’a répondu qu’ils me voulaient dans le conseil d’administration parce que j’étais jeune et que je pouvais amener de nouvelles thématiques, ce que j’ai fait. »

©Fatima Rougi

Pourquoi avoir choisi le planning familial ?

« Le planning était une évidence car je viens d’une famille très traditionnelle, conservatrice, musulmane. J’ai été élevée par des parents qui sont très loin du féminisme. Mais moi, j’ai toujours grandi en France, je suis juste née au Maroc. Je n’étais pas du tout d’accord avec ma culture d’origine parce que la femme n’y est pas forcément valorisée. J’ai été pas mal martyrisée par le machisme.

A l’adolescence, lors de mes premiers émois amoureux et sexuels, je me suis rendue au planning, qui a fait mon éducation sexuelle et affective. J’y allais dès que j’en avais besoin. En « vieillissant », je me suis dit que c’était à mon tour de rendre la pareille. C’est une association qui correspond à mes valeurs, une sorte de « safe place » où on peut être soi-même, où nous sommes respectueux·ses des gens, de leurs croyances, de leur culture. Il y a cette volonté de laisser la personne être libre de ses choix. »

Que pensez-vous de la situation au Luxembourg par rapport au droit des femmes ?

« Quand j’ai commencé mon militantisme au Luxembourg, la thématique du féminisme n’était pas aussi médiatisée. Elle était déjà présente, car des associations qui militent pour le droit des femmes existent depuis longtemps. On ne peut donc pas dire qu’aucunes avancée en termes de féminisme n’existaient. Mais j’ai l’impression que le mouvement a gagné très vite beaucoup en visibilité. #MeToo a entrainé une vague mondiale et le Luxembourg n’a pas été épargné, ce qui est génial. En tant qu’ancienne journaliste, je trouve que ces thématiques sont beaucoup plus abordées qu’à l’époque quand j’ai commencé ma carrière en 2011. C’était très rare dans les journaux et ça devient monnaie courante. On a vraiment fait des progrès.

Après on est en retard sur plein de choses, comme par exemple la taxe tampons, il a fallu lutter quatre ans pour la faire passer au Luxembourg. On est quand même dans une société très patriarcale et conservatrice, encore marquée par la religion catholique qui n’est pas la plus matriarcale. Ça bouge, mais il reste beaucoup de choses à faire. Il faudrait travailler sur l’éducation sexuelle dans les écoles, arrêter de promouvoir la famille hétérosexuelle et nucléaire. On milite pour une éducation non genrée, pas hétéro centrée et pour l’importance du consentement qu’il faut apprendre très jeune. On est aussi en retard au niveau de la représentativité des femmes en politique. A la chambre des députés, elles sont une dizaine, je crois, sur soixante, ce qui n’est pas énorme. Et forcément, s’il y a peu de femmes en politique, les lois ne sont pas représentatives de cette moitié de la population. »

©Fatima Rougi

Vous travaillez également à la Kulturfabrik. Est-ce que c’est important pour vous de mettre les femmes en avant dans la programmation ?

« On a des programmateurs qui sont sensibles à la question et ils essaient réellement d’obtenir une certaine parité. C’est un sujet qu’on évoque régulièrement. La Kulturfabrik est une institution vraiment très progressiste et moderne donc ça n’est vraiment pas un problème. Par exemple, cet été, on a eu une série de résidences artistiques à la Kufa avec une vingtaine d’artistes avec une stricte parité entre les artistes femmes et hommes. »

Qu’est-ce qui t’inspire dans le féminisme ?

« Forcément tout ce qui touche à la menstruation, c’est un peu mon dada. C’est quelque chose qui me tient à cœur car ça concerne beaucoup de personnes, ça touche à l’intime mais aussi à la précarité. La précarité menstruelle me passionne, je lis énormément sur le sujet. Après l’intersectionnalité m’intéresse aussi, mais je garde quand même cette casquette de spécialiste de la menstruation. J’étais à la tête de la campagne du Planning Familial « NoTaxTampon » qui a permis de faire baisser la taxe tampon au Luxembourg de 17 à 3%. Les produits hygiéniques ne sont plus considérés comme des produits de luxe mais des produits de première nécessité. Et je remarque qu’au point de vue personnel, mes amies viennent vers moi quand elles ont des questions. Si elles veulent choisir une culotte menstruelle ou une cup, je suis assez calée sur le sujet. »

Si tu devais conseiller une marque de culottes menstruelles à nos lectrices ce serait laquelle ?

« Je suis une grande fan de Meuf Paris. Depuis quelques mois elles ont fait leurs culottes menstruelles et je les recommande vraiment. »

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