On la pensait disparue, reléguée aux oubliettes de l’histoire depuis la chute de l’Allemagne nazie et de ses délires de pureté raciale. Pourtant elle est toujours pratiquée : la stérilisation forcée des femmes « handicapées » dans une Europe qui clame haut et fort le respect des droits de l’Homme et nie toutes velléités eugénistes.
Par Cadfael
Une pratique bien vivante
La stérilisation forcée des personnes handicapées était légale en Espagne jusqu’en 2020. Seuls 9 pays de l’Union européenne l’interdisent spécifiquement : la Suède, l’Irlande, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, la Slovénie, la Pologne, l’Espagne. Le gouvernement de Malte vient d’annoncer un projet de loi en ce sens. Au Luxembourg elle est indirectement, criminalisée. Contraire à la Convention d’Istanbul et à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, le Portugal, la Hongrie et la République tchèque autorisent même la stérilisation des mineurs.
En 2001, la France a rendu légale la pratique de la stérilisation des femmes handicapées dans un cadre réglementé. La loi exige le consentement des femmes handicapées. Mais il y a problème : les professionnels l’ignorent parfois en « vertu d’une loi du silence parmi le personnel médical ». Selon Euractiv « la stérilisation concerne majoritairement les femmes en situation de handicap mental, comme l’autisme, placées sous la tutelle d’un proche. » Il n’existe aucun chiffre.
Une longue tradition dans le monde occidental
La stérilisation « non désirée » a une longue histoire en Europe. Des chercheurs des universités d’Essex et d’Austin constatent que « la Suisse fit ainsi figure de pionnière, adoptant une loi dès 1928 (Canton de Vaud), suivie par le Danemark (1929), la Suède et la Norvège (1934), la Finlande puis l’Estonie (1936) et l’Islande (1938). L’adoption en 1933 d’une loi sur la « prévention de la descendance malade héréditaire » instaure en 1933 la stérilisation forcée en l’Allemagne. Deux ans plus tard, elle sera suivie par les lois de Nuremberg visant la protection du « sang allemand », un délire mortifère qui fera des millions de victimes.
En « Suède, des campagnes de stérilisation à grande échelle furent menées contre ceux accusés d’entretenir un ‘mode de vie asocial’, et ce bien après la fin de la guerre ». Selon les experts, plus de 60.000 femmes y furent soumises. L’argument majeur était souvent la « neutralisation » de groupes estimés comme non conformes et inadaptés comme les personnes souffrant de handicaps physiques et mentaux, des Tziganes, des homosexuels, criminels et autres selon les constellations politiques en place. La stérilisation des femmes roms au sein du bloc socialiste est un triste exemple parmi d’autres.
Les transgenres visés
Les personnes transgenres sont particulièrement visées. En « Tchéquie, une stérilisation chirurgicale est toujours obligatoire pour qu’une personne puisse changer sa désignation officielle de genre. » Il aura fallu un arrêté de la cour constitutionnelle tchèque en 2020 pour que trois ans plus tard un projet de loi soit en cours. C’était le cas en Suisse, en Norvège, en Irlande et en France jusqu’à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme en 2017.En 2021, le gouvernement néerlandais a publiquement présenté ses excuses officielles aux personnes transgenres en reconnaissant la violence des chirurgies et stérilisations forcées. Au Japon, la pratique continue, car jugée non contraire à la constitution.
Un espoir que cela cesse
Ce mois-ci, un débat au Parlement européen redéfinira le cadre légal renforçant les droits des personnes handicapées permettant de lutter ainsi contre des pratiques telles que la stérilisation forcée. Il devra être entériné par le Conseil européen qui bloquait cette directive anti-discrimination depuis 2008 sous la pression de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Hongrie. Cette fois-ci, il y a des chances de succès, car la présidence du Conseil est détenue depuis le 1er juillet par l’Espagne dont le leitmotiv est la protection des droits des femmes dans un contexte tendu d’élections nationales.