La capitulation de l’Allemagne le 8 mai 45 sonne la défaite du nazisme et de ses l’horreurs. Ce conflit aura été un révélateur de l’extrême courage de certains et de l’oubli de tous principes moraux et civiques pour d’autres. Entre 1 à 2 % de la population française a fait de la résistance active. Deux personnages proches du monde de la haute couture, au parcours diamétralement opposé.

Par Cadfael

Miss Dior, le bleu de la liberté

Catherine Dior est née en 1917 au sein d’une famille d’industriels très aisés du nord de la France. Rien ne la prédestinait à un destin de combattante. Après la faillite de l’entreprise paternelle la famille a déménagé dans leur propriété du sud de la France près de Grasse. Pour faire survivre la famille Catherine et son frère Christian, le couturier, ont fait pousser des haricots et des petits pois qu’ils ont vendu sur les marchés locaux.

En 1941 après bien des hésitations, Christian est retourné, vers le microcosme parisien de la haute couture et de la collaboration qu’il abhorrait. Sa jeune sœur, elle, est entrée dans la résistance active en devenant membre du réseau F2 un réseau anglo-polonais. L’appartement de Christian à Paris, rue royale, a servi à des rendez-vous clandestins.

Le réseau a été démantelé le 6 juillet 1944 par la Gestapo sur dénonciation, 26 de ses membres emprisonnés. Catherine et ses compagnons ont été torturés avec une « sauvagerie inouïe » par des supplétifs français de la Gestapo. Ils ont ensuite été déportés par le dernier train vers le camp de Ravensbrück, avec à la clef un travail forcé dans une fabrique d’explosifs, puis dans une usine BMW de moteurs d’avions dans des conditions innommables.

Avec l’avancée des troupes russes et des marches forcées d’évacuation sous les coups des SS,elle a été libérée par les troupes soviétiques, ce qui ne « signifie pas forcément la fin du calvaire, les preuves de viols massifs par l’armée rouge abondent. Encore aujourd’hui le « tabou qui entoure cette page sombre de l´histoire est tel qu’on ne connaitra sans doute jamais la véritable ampleur du phénomène. » Rentrée à Paris elle a témoigné contre certains collaborateurs notoires. Elle s’est ensuite consacrée en toute discrétion, au soleil de la Provence et au commerce de fleurs dont certaines variétés destinées aux essences pour parfums. Elle s’est aussi investie dans la sauvegarde de la mémoire de son frère Christian décédé en 1957. C’est Justine Picard, sa biographe, qui souligne son stoïcisme, sa volonté de vivre et de son sens du devoir dans « Miss Dior -Flammarion-2021 ». Et ainsi dévoile son passé de résistante.

Coco vert de gris

En revanche, il n’en est pas de même pour l’icône Coco Chanel qui, elle, a été une espionne des nazis. Aujourd’hui son passé sombre sert de cas d’étude à la « Harvard business school » en matière d’éthique des  affaires.  

D’origine très modeste Gabrielle a su faire fortune grâce à ses dons de stylisme et à l’horizontalité de ses relations. Ancienne maitresse du duc de Westminster, ami de Churchill, elle est devenue celle d’un baron allemand, agent nazi de haut vol, dès 1940. C’est ce qui lui a permis de vivre au Ritz,  de construire ses relations et sa fortune avec les hautes sphères de la collaboration et de l’occupation. Antisémite, elle y a vu  l’opportunité, grâce aux les lois d’aryanisation, de se débarrasser de la participation de la famille Wertheimer qui lui avait permis financièrement de lancer son parfum No 5. Elle n’y est pas parvenue et la famille Wertheimer disposent toujours de parts dans l’entreprise.

Coco a été enregistrée dès 1941 sur les listes du Sicherheitsdienst de Heydrich, une Gestapo sous contrôle SS, comme agent F-2127 nom de code Westminster, allusion à son amant d’autrefois. En 1944 sa mission était de tenter de convaincre Churchill à une paix séparée avec Berlin. « A la fin de la guerre elle a évité de figurer, même de façon tacite, sur la liste des célébrités du monde des arts, accusés de collaboration /… / elle n’était pas femme à se laisser broyer par les meules de l’épuration » écrira Malcolm Muggeridge du renseignement anglais dans ses mémoires. Elle a fait profil bas en Suisse jusqu’à une relance de son commerce en 1954, qui ne réussira que grâce à l’appui financier des Wertheimer. Janet Flannery, correspondante de guerre du « New Yorker », écrira.  « Cet immonde naufrage vers l’inhumanité, dont le régime nazi s’est rendu coupable, restera le fait le plus choquant des remps modernes. » Le « il fallait survivre » de Simone de Beauvoir n’était certainement pas un blanc-seing.