À la fois chic et simple, avec ce jour-là un joli manteau rouge Kenzo, Hana Sofia Lopes nous rejoint à la rédaction de Femmes baignée des premiers rayons de soleil. À 35 ans, la comédienne, européenne affirmée, polyglotte, volubile, nous entraîne dans sa fraîche actualité avec la sortie de Flucht aus Lissabon. Cette fan des seventies qui évolue entre théâtre, cinéma et télévision déroule ses projets et ses passions, comme le yoga, pratiqué depuis le Covid, et quelques destinations. Elle reste marquée par sa traversée de la côte ouest des États-Unis, par la voie lactée contemplée depuis le Grand Canyon, elle qui adore voyager seule et se sentir libre, aimerait découvrir le Japon.
Rédaction : Karine Sitarz / Photo : Christian Wilmes
Vous avez grandi au Luxembourg avec des parents portugais. Pouvez-vous nous parler de vos racines plurielles ?
À la maison, on parlait portugais. La musique, la nourriture, les news à la télé étaient aussi présentes en portugais. Par contre, dans mon école à Howald, il y avait peu d’étrangers, les petits Luxembourgeois m’ont donc tirée vers leur langue. J’étais immergée dans deux cultures. Par ailleurs, les visites à mon grand-papa au Canada, où la famille de ma maman vivait, ont ajouté à ces racines plurielles. Enfant déjà j’étais fascinée par lesvoyages, les avions, les aéroports et les langues étrangères. Le cinéma m’a ramenée au Canada, grâce au film Kanaval j’ai pu aller me recueillir sur la tombe de mes grands-parents.
Qu’est-ce qui vous a amenée vers le théâtre et le cinéma ?
À la maison, où j’ai grandi avec un grand-frère, théâtre et cinéma n’étaient pas courants, le premier film que j’ai vu, à huit ans, c’était Titanic ! Mais à l’Athénée, voyant les élèves quitter l’école pour le Conservatoire, j’ai eu envie de les suivre. À quinze ans, je m’y suis inscrite en classe d’art dramatique avec Marja-Leena Junker et cette heure de cours a été, jusqu’à mes 19 ans, la plus belle heure de la semaine ! Mon père me voyait en droit à la Sorbonne, moi au Conservatoire à Lisbonne où j’ai appris que j’étais admise alors qu’on était déjà à Paris ! Il a dit : on remet les bagages dans la voiture et on y va ! Je suis restée deux années à Lisbonne avant d’enchaîner avec une 3e , grâce à Erasmus, à Madrid.
“J’ai toujours été fascinée de voir comment les gens vivent, pensent, partout dans le monde.”
Hana Sofia Lopes – actrice
Vous jonglez avec plusieurs langues. Laquelle vous correspond le mieux ? Ont-elles été une porte d’entrée sur le monde du spectacle ?
J’ai grandi avec toutes, elles ont des musicalités différentes, sont complémentaires, je les aime toutes. Oui, cela a été une porte d’entrée mais j’avais ce désir de voyages, de connaître d’autres cultures et passer par les Conservatoires de Lisbonne, Madrid et Paris m’a permis de me constituer un grand réseau puis de travailler dans différents pays.
Quels sont vos ports d’attache ?
Aujourd’hui, au Portugal où j’ai commencé à travailler, et au Luxembourg où je suis revenue pour jouer dans Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller au Grand Théâtre. Les choses se sont ensuite enchaînées ici… mais la vie m’a ramenée à Lisbonne pour une production allemande.
Entre le théâtre, le cinéma, la télévision, votre cœur balance-t-il ?
J’ai commencé avec la télé au Portugal puis continué avec le théâtre avec, entre 2020 et 2024, une dizaine de productions. J’avais donc un désir de retourner au cinéma et Flucht aus Lissabon est arrivé. J’ai dû faire des choix, c’est difficile mais il faut oser dire non, c’est important d’avoir une vision.
S’il fallait retenir un projet parmi la soixantaine qui vous a occupée ?
Habiter le temps de Rasmus Lindberg, mis en scène par Michel Didym, co-produit par le Grand Théâtre, avec Irène Jacob, Jérôme Kircher, Eric Berger. C’est la pièce dont je suis la plus fière, son thème m’interpelle, il parle des traumas transgénérationnels et de quelle manière ce que nos ancêtres ont vécu nous affecte aujourd’hui. Quand je suis dans la petite maison de mes grands-parents au nord du Portugal, j’imagine tout ce qui s’y est passé. C’est en fait ce que raconte la pièce, tellement bien écrite ! Michel Didym est compliqué, exigeant, il a été dur avec moi, mais cela a été d’une richesse inimaginable. Pour la première fois en France, j’avais un des rôles principaux. En tournée, j’ai partagé la loge d’Irène Jacob, entendre ses histoires de vie a été un bel apprentissage.
Et côté cinéma ?
Sans hésitation, Kanaval de Henri Pardo, cinéaste canadien d’origine haïtienne, c’est un peu son histoire, il parle d’un petit garçon qui va de Haïti au Québec. Quand on se dirige vers un nouveau pays, que prend-on de notre culture d’origine et que nous apporte la nouvelle ? On a tourné au Québec, en pleine forêt, à moins 25°C, c’était spectaculaire. Le film a été présenté au Festival international de Toronto, je portais une robe magnifique de Luís Sanchez, c’était comme un conte de fées, et quand j’ai découvert le film, je me suis pris une claque, je me suis un peu retrouvée dans le petit garçon. Henri Pardo est attentif, sensible et respectueux.
Quels sont vos projets actuels ?
Tournant inattendu dans ma vie, j’ai le rôle principal, presque sur mesure, au côté de Hans Sigl dans le film de la ZDF, Flucht aus Lissabon dont je parlais. Ce thriller sort mi-mars (ndlr : l’interview a eu lieu le 8 février). Avec le Tage au centre du film, une boucle est bouclée, quinze ans après avoir étudié à Lisbonne, la vie et la ville me font un cadeau. Ensuite, il y aura une série télé toujours au Portugal, mais chut…
Questions à la volée :
- UN AUTEUR DE THÉÂTRE : Tennessee Williams dont les personnages féminins sont complexes, profonds.
- UN FILM FÉTICHE : The Red Shoes (1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger, l’histoire d’une ballerine qui doit choisir entre sa passion pour l’art et sa vie personnelle.
- UNE FEMME INSPIRANTE : Michelle Obama, j’admire son parcours, son aisance, Oprah Winfrey aussi qui m’a aidée dans un moment difficile de ma vie et encore Alicia Vikander, une actrice suédoise que j’admire.
Interview initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 265 d’avril 2025.