Dans leur ouvrage Le Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es, Aline Laurent-Mayard et Marie Zafimehy décortiquent le vocabulaire utilisé pour parler du genre et des orientations sexuelles à celles et ceux qui se sentent un peu paumés. Conçu comme un guide, ce livre veut réconcilier les générations pour qu’elles puissent enfin utiliser le même langage. 

Pansexuel, asexuel, transgenre, non-binaire… Vous vous sentez à côté de la plaque lorsque votre ado vous parle ? C’est normal. Depuis quelques années, de nombreux mots, souvent venus de l’anglais, sont entrés dans le langage pour désigner les orientations sexuelles et l’identité de genre. Vous avez dit identité de genre ? “Il s’agit du genre auquel je m’identifie, explique Marie Zafimehy. Par exemple moi, je m’identifie au genre féminin qu’on m’a assigné à la naissance, je suis donc cisgenre » . La remise en cause des catégories homme-femme peut sembler déroutante tant la division est ancrée dans nos sociétés occidentales. Pourtant, dans “Le Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es” (éditions Buchet Chastel, 2021), on apprend que la frontière des genres est loin d’être figée. Tous les pays et toutes les époques n’ont pas fait la même distinction entre homme et femme. À l’échelle d’un individu, le curseur du genre peut, pour certaines personnes, être “fluide” et osciller en une infinité de possibilités entre le féminin et le masculin. 

Le genre, une construction sociale

Ces nouveaux mots, comme non-binaire ou trans, qui ont fait leur apparition récemment, recouvrent une réalité plus ancienne“, souligne la co-autrice, diplômée d’un Master en études du genre. “Nos recherches ont montré que c’est la médecine moderne qui a pointé la première nos différences de genre via l’étude de notre anatomie. Pour faire court, on identifie les êtres humains par leurs organes génitaux : les femmes ont un vagin et un utérus, les hommes un pénis et des testicules. Cette binarité s’est ensuite traduite dans les rôles sociaux » .

Encore plus surprenant, on apprend aussi que ce modèle de séparation des sexes n’existait pas aux Etats-Unis avant la colonisation de l’Amérique. “Chez les peuples autochtones Amérindiens, il existait un troisième genre dont l’appellation variait selon les communautés. Ces personnes qualifiées depuis 1990 de ‘two-spirit’ ne trouvent pas leur place dans un schéma binaire homme-femme » , continue Marie Zafimehy. “Ce troisième genre, non binaire, se retrouve dans d’autres cultures comme les mahus en Polynésie, les hijras au Pakistan ou les muxes au Mexique » .   

Une réalité anatomique nuancée 

Selon les auteures, la binarité de genre s’est d’abord bâtie comme une construction médicale, alors même que notre physiologie ne l’est pas. Les autrices se sont intéressées au travail de la chercheuse en biologie Anne Fausto-Sterling, dont les travaux révèlent qu’il existe des personnes intersexes. “C’est-à-dire qu’elles naissent avec un sexe ambigu, soit à la naissance, soit au moment de la puberté où certaines femmes, par exemple, vont développer un taux de testostérone supérieur à ce qui est attendu de leur corps. Le pourcentage de personnes concernées est loin d’être anecdotique : entre 1% et 4% de la population » . “Petit à petit, nous avons commencé à questionner ces catégories homme-femme et le rôle qui leur est attribué dans la société » . 

Petit lexique du genre

L’ouvrage s’accompagne d’un lexique. On apprend qu’une personne transgenre, à l’inverse d’une personne cisgenre, ne s’identifie pas au genre qu’on lui a attribué à la naissance, sur une base biologique. On peut parler de femme trans ou d’homme trans. En revanche, on évitera d’utiliser le terme transsexuel, considéré jusqu’en juin 2018 par l’OMS comme une maladie mentale. Pour éviter les impairs, on préfère trans tout court. On apprend également qu’un “deadname” – “morinom” en français – est le nom assigné à une personne trans en même temps que son genre à la naissance et qu’il n’utilise plus. Ou encore que “queer” était une insulte au sein de la communauté LGBT (acronyme de lesbiennes, gays, bisexuels et les transgenres) pour désigner des personnes “bizarres”. Depuis, les personnes concernées se sont réappropriées le terme pour désigner celles et ceux qui font partie d’une minorité, autrement dit ni cisgenre, ni hétéro. Une preuve parmi d’autres que les mots, comme le genre peuvent bouger d’une époque, un contexte ou d’un pays à l’autre.