Les Français ne retrouveront “pas tout de suite et probablement pas avant longtemps” leur “vie d’avant”, a averti dimanche Edouard Philippe en esquissant les principes d’un déconfinement extrêmement progressif à partir du 11 mai, reposant sur des tests massifs et l’isolement des malades.
Alors que l’épidémie poursuit son ralentissement en France, avec 395 décès supplémentaires en 24 heures (19.718 au total) mais un nombre de patients hospitalisés et en réanimation en reflux, “nous marquons des points” mais “nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire”, a prévenu le Premier ministre.
“Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus”, a aussi répété M. Philippe, en soulignant que pour l’heure la population française était loin d’être immunisée, qu’aucun traitement n’était reconnu et qu’aucun vaccin n’était a priori attendu avant “mi-2021” au plus tôt.
Le quotidien encore “bouleversé” durant quelques mois
Le quotidien des 67 millions de Français continuera d’être bouleversé: “il n’est pas raisonnable d’imaginer voyager loin à l’étranger très vite”, a indiqué M. Philippe, alors que le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy avait averti que “les mariages, les anniversaires, le grandes réunions familiales devront être évités dans les mois qui viennent”.
Sommé par Emmanuel Macron de présenter un plan de déconfinement avant la fin avril, avec l’appui du haut-fonctionnaire et maire Jean Castex, Edouard Philippe en a dessiné les grands principes aux côtés de son ministre de la Santé, Olivier Véran. Sans pour autant entrer dans les détails, grâce parfois à un délicat exercice d’esquive et alors que la défiance des Français et les critiques de l’opposition restent fortes.
“Quand on prend zéro risque, ça fait une conférence de presse pour rien, avec zéro annonce, zéro réponse et zéro stratégie de déconfinement. Nous n’attendions pas un exercice d’autocongratulation mais des orientations précises et des réponses claires”, a ainsi fustigé sur Twitter le patron des députés Les Républicains Damien Abad.
“Ce que chacun comprend ce soir c’est que la décision du 11 mai a été prise par le Président de la République sans en vérifier préalablement la faisabilité”, a abondé le patron du Parti socialiste Olivier Faure.
Parmi les questions restant en suspens, la tenue en juin du second tour des municipales, même si la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a considéré dimanche matin que “le réalisme conduisait” à ce qu’il ait lieu “sûrement après l’été”.
Tests et isolement
Depuis Matignon, pendant près de deux heures, M. Philippe a insisté sur “trois éléments essentiels” pour initier le déconfinement.
Parmi ceux-ci, la poursuite de l’adoption “des gestes barrières”, comme la distanciation sociale, qui s’accompagnera par la généralisation du port de masques “grand public”.
Les masques, et leur pénurie, restent un sujet de crispation majeur, alors que le plus gros avion-cargo du monde, l’Antonov An-225 Mriya s’est posé dimanche à l’aéroport de Paris-Vatry (Marne) avec à son bord quelque huit millions de masques en provenance de Chine.
Produits en France à 17 millions d’exemplaires par semaine d’ici le 11 mai, ils seront probablement rendus “obligatoires” dans les transports publics, répondant ainsi à la demande des principaux opérateurs de transports en commun.
Anticipant une obligation, la maire de Paris Anne Hidalgo a annoncé la distribution gratuitement aux Parisiens en pharmacie de 500.000 masques en tissu lavables dès la fin avril et de plus de 2 millions courant mai.
Il faudra également, “tester beaucoup et rapidement”, a ajouté M. Philippe. L’objectif du gouvernement est de pouvoir réaliser 500.000 tests par semaine d’ici le déconfinement, “si vous êtes porteur de symptômes (…) ou si vous avez été en contact rapproché d’une personne dont on sait qu’elle est malade”, selon M. Véran.
Et en cas de test positif, les malades devront être isolés, soit à domicile, soit dans un lieu dédié, comme les hôtels.
Le cas des écoles encore flou
Pour le reste, M. Philippe est resté fort prudent sur les scénarios de l’après 11-mai, indiquant par exemple que plusieurs hypothèses étaient à l’étude pour la réouverture des écoles, “par territoire” ou “par moitié de classe”.
Un certitude, “les écoles n’ouvriront pas partout le 11 mai”, a réitéré M. Philippe, alors que le chef de file de La France insoumis Jean-Luc Mélenchon a déclaré dimanche que “personnellement, s’il y avait un petit à la maison, je ne l’enverrai pas à l’école”.
Le Premier ministre a aussi appelé à la poursuite du télétravail “dans toute la mesure possible”. Pour les commerces, des files d’attente devront être organisées pour respecter une distance minimale d’un mètre, et des mesures comme la mise à disposition de gel hydro-alcoolique “devront être mises en œuvre”.
Alors que le PIB devrait reculer de 8% cette année, M. Philippe a martelé que la crise économique serait “brutale” et “ne fait que commencer”, tout en rappellant les mesures d’aides. Dans ce cadre, le distributeur Fnac Darty a annoncé dimanche avoir obtenu un prêt de 500 millions d’euros dont 70% garantis par l’Etat.
Par ailleurs, M. Véran a annoncé le rétablissement “à partir de” lundi d’un “droit de visite pour les familles” dans les Ehpad, dans des conditions “extrêmement limitées”, et dans “les établissements qui accueillent des personnes en situation de handicap”.