La finance durable attire de plus en plus les femmes, qui y voient un moyen d’investir en accord avec leurs valeurs. Pour mieux comprendre cette évolution, nous avons demandé l’avis d’Oriane Schoonbroodt, Partner Leader for Sustainability and Emerging Assurance chez Deloitte Luxembourg.

Certaines études pointent un investissement accru des femmes dans la finance et plus particulièrement la finance durable. Peut-on vraiment parler de révolution ?

On observe clairement une dynamique assez positive de leur part en matière d’investissement durable. Mais je pense qu’il s’agit d’une évolution structurelle plutôt que d’une révolution. Celle-ci est notamment due au fait que de plus en plus de femmes intègrent des postes clés dans différents modèles d’organisation. On constate aussi une montée en puissance, une présence et une visibilité accrues de leur part dans les domaines de la finance durable : que ce soit en tant qu’investisseuses, cheffes d’entreprise ou dirigeantes. Les femmes endossent ainsi un rôle d’influenceuses, désormais de plus en plus accepté. Cette dynamique est donc étroitement liée aux positions qu’elles adoptent et à la reconnaissance de leur voix.

Mais pourquoi investissent-elles plus dans la finance durable justement ?

Je pense que dans le cas des femmes, c’est peut-être en partie lié à une sensibilité particulière à des enjeux comme l’inclusion, la santé, la gouvernance ou l’éducation. Il me semble aussi qu’une certaine dimension protectrice, parfois profondément ancrée dans le parcours de vie ou les responsabilités endossées, peut nourrir une vision tournée vers la communauté, la planète et les générations futures. Cette sensibilité plus collective s’accompagne souvent d’une approche plus holistique de l’investissement, qui dépasse la seule dimension environnementale. Leur recherche de sens en matière d’investissement s’aligne par conséquent naturellement avec les valeurs portées par l’environnement, mais aussi le social et la gouvernance.

Quelles stratégies d’investissement adoptent-elles plus particulièrement ?

J’ai pu constater que les femmes optent souvent davantage pour des investissements directs dans des solutions de private equity et dans des sociétés qui les touchent plus personnellement. Leur activisme sera peut-être un peu plus orienté. Aussi, elles ciblent plus fréquemment les impacts du transfert de fortune et des investissements : par exemple en mesurant les résultats sociaux et environnementaux des fonds et des produits dans lesquels elles investissent. Ce qui, in fine, incite certaines sociétés à développer de manière très opportuniste des produits qui s’orientent vers ce type de demande. Cependant, le problème reste la qualité des produits actuellement offerts sur le marché. Mais je suis convaincue que la place des femmes dans la finance durable est un atout majeur pour relever ce défi. Grâce à leur capacité à s’ancrer dans la réalité, elles peuvent contribuer à proposer et orienter des investissements alternatifs et performants, nous amenant sur la voie de l’agilité et de la résilience. Mais cela ne suffira pas : cette transition ne pourra réussir que si elle est collective. Elle devra inclure les hommes, les femmes, ainsi que toutes les générations et cultures.

Interview initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 266 de mai 2025.