Le nom de Mittal a laissé des souvenirs mitigés. Les blessures laissées par cette OPA hostile, qui en 2006 a détruit une partie de la souveraineté sidérurgique européenne, ont du mal à se cicatriser. Jusqu’à maintenant lorsque le nom Mittal tombait dans la presse c’était pour annoncer ou des fermetures d’usines ou des licenciements.
Par Cadfael
Un groupe dans la tourmente ?
Le groupe a annoncé, le mois dernier, selon Reuters, une baisse de ses revenus annuels de 65%. Le marché a changé pour le premier producteur mondial. En Afrique du Sud, le groupe subit une baisse significative de la demande et digère mal des hausses des prix dus à une augmentation brutale des matières premières, dont le prix du charbon. Selon les analystes financiers, le cours des actions du groupe s’est effondré de 15%. Il en va de même pour ses activités sur le marché chinois où une demande en forte baisse du marché de l’immobilier, gros consommateur d’acier ainsi que des changements dans la politique monétaire du pays, assombrissent les perspectives. Il a annoncé une chute de 19% de ses ventes globales, plus grave que prévu selon un porte-parole.
Timeo danaos et dona ferentes
Cette phrase extraite d’un des grands textes de Virgile aurait été prononcée par Laocoon le grand prêtre lors de la présentation du cheval de Troie par les Grecs. « Je crains les Grecs même lorsqu’ils nous présentent des cadeaux. »
En plein carnaval on nous servi de manière un peu insistante, le nouveau siège d’Arcelor Mittal comme une sorte de cadeau des dieux en vantant ses mérites réels ou supposés, un vrai prospectus de vente. Sur les images de synthèse de l’immeuble conçu par un groupe d’architectes de renom, on voit une grosse bulle qui a le mérite d’être quasi transparente.
On nous parle de la présence future de bureaux, de magasins et de restaurants. Il y aura, écologie oblige, un espace vert, bien sûr des fontaines et 12 parkings à bicyclette. Il manque une piste de surf et de moto indoor pour satisfaire les sportifs.
Le projet datant de 2017 aurait déjà dû être déjà achevé. De septembre 2021 la date de livraison a été repoussée à 2024. Selon la presse, le chantier semble bouger, mais on « n’aperçoit uniquement une clôture blanche. Rien de plus. » Selon le Quotidien qui spécule sur la timidité de co-investisseurs pour financer la mégalomanie d’un siège de Mittal. N’est-elle pas le reflet de certains analystes financiers de Wall Street qui sont plus que prudents avec leurs perspectives sur Mittal. C’est curieux que l’un des hommes les plus fortunés de la planète ne trouve pas de co-investisseurs pour un projet immobilier au Luxembourg. Il n’y a pas si longtemps la constellation « immobilier-Luxembourg » était très recherchée.
L’oncle Picsou arrive
Selon un projet de loi déposé récemment, le gouvernement actuel vole au secours d’un des hommes les plus riches de la planète. Le gouvernement demande au Parlement de voter une enveloppe maximale de 273.5 millions d’euros pour pouvoir acquérir 50% d‘un bâtiment défini par d’autres intérêts que ceux qui président au bien du pays ? Pourquoi le gouvernement s’engage-t-il seul aux côtés d’un groupe sidérurgique dans une opération qui consomme l’un des meilleurs espaces restants au Kirchberg ? Le Lion rouge n’a-t-il pas mieux à faire que de construire encore des espaces de bureaux sur un marché en berne ?
Beaucoup de questions et peu de réponses
Une question de principe demeure : est-il dans les missions d’un état comme le Grand-Duché de financer le siège social d’une multinationale qui, jusqu’à maintenant, reversait des bénéfices à ses actionnaires. Il est permis de penser qu’un ancien ministre socialiste qui selon le site « wallmine.com » occupe un mandat de directeur non exécutif et non indépendant chez le bouilleur d’acier, contre une indemnité annuelle de 171.000 dollars, a été de la manœuvre. Et puisque le gouvernement finance la moitié du bâtiment, pour quelle raison ne dispose- il pas de cet espace ?
D’autres options sont-elles possibles ?
Serait-il pertinent d’utiliser la dotation spéciale de presque 300 millions soumise au vote de la Chambre pour construire du logement? Paperjam du 7 janvier dernier affirme que les dépenses du ministère du Logement passeront de 227.7 millions en 2022 à 363.1 millions en 2023. Ce montant est un peu plus important que le cadeau socialement stérile fait au groupe Mittal. En partant d’un prix moyen de vente du mètre carré immobilier juste au-dessus de 9.000 euros pour 2022 à Luxembourg on pourrait sans problème majeur construire une quarantaine de milliers de mètres carrés de logements décents. Un tout petit peu plus que le cadeau du gouvernement à la famille Mittal.