“La chose fascinante concernant un dîner autour des desserts, c’est que vous profitez d’un repas sans viande, ni poisson et cela rappelle l’enfance”, raconte René Frank, chef du restaurant berlinois Coda qui fait de la pâtisserie une expérience gastronomique innovante.
Dans son restaurant couronné de deux étoiles Michelin, il propose des menus entièrement composés de desserts, de même que le Français Sébastien Vauxion, chef de Sarkara à Courchevel, lui aussi doublement étoilé. Avec sa sucette faite de glace topinambour-vanille et couverte de caviar, il convainc les sceptiques qui saluent l’équilibre des saveurs et textures a priori clivantes, lors d’une soirée à Paris organisée par le classement gastronomique La Liste.
Le guide Michelin décrit son restaurant comme “unique” avec des “compositions créatives et innovantes”, qui “ne se limitent en aucun cas aux mets sucrés”. Pour La Liste, qui a lancé début septembre la première application mondiale répertoriant les 600 meilleurs pâtissiers, c’est par la pâtisserie que passe l’innovation.
“Une expérience”
La pâtisserie correspond à “un mode de dégustation tendance” et “beaucoup de chefs pâtissiers mènent la danse dans la gastronomie en ce moment”, a déclaré Hélène Pietrini, directrice générale de La Liste. “Les gens ne viennent pas dans mon restaurant pour des rendez-vous d’affaires ou parce qu’ils ont faim. Ils cherchent une expérience”, souligne René Frank. Il aime jouer sur le côté “émotionnel” du dessert, “la partie la plus fun du repas” et qui “rappelle l’enfance”.
Le pâtissier Sébastien Vauxion dit avoir bâti son restaurant sur un “no man’s land”. Depuis, ce chef qui donne des épreuves à l’émission populaire “Top Chef”, voit “émerger pas mal de créations” faites sur le même principe que les siennes: “dans l’univers du dessert, mais pas dans le sucre”. En “entrée-dessert”, il propose une crème glacée aux champignons, noix de coco avec des écorces confites de citron. Son “fromage-dessert” s’accompagne de sablé à la farine torréfiée et sorbet aux herbes fraîches.
Palace comme pâtisserie du coin
Des pâtissiers d’hôtels de luxe confirment qu’il y a une “demande” pour qu’ils s’ouvrent sur la ville. Yann Brys, pâtissier du groupe d’hôtels Evok Collection dont deux ont des boutiques de pâtisserie, se dit “surpris” de voir des gens “acheter des croissants le matin” dans ses boutiques d’hôtel comme “dans une boulangerie de rue”.
“Le mode de consommation évolue sur le sucré, les gens s’habituent à acheter des pâtisseries dans des hôtels 5 étoiles”, qui ont des exigences sur le goût et le visuel, ajoute le pâtissier, dont la collection de Noël avec des bûches en forme de gondole ou de masque est axée sur Venise, où le groupe ouvre un hôtel en 2023.
“Meilleur pâtissier du monde” en 2019, François Perret du Ritz Paris vient de revoir le “tea time” en y ajoutant des desserts à partager, après avoir inauguré en 2021 le Ritz Comptoir, où l’on l’achète ses fameuses madeleines ou millefeuilles pour les manger en marchant dans Paris.
“Plus accessible”
“La haute pâtisserie sera toujours plus accessible que la haute cuisine (…) Le Ritz s’ouvre sur Paris, cela va avec l’air du temps”, déclare-t-il. Si le salé peut faire rêver autant, c’est dans le dessert que la magie s’opère, assure Hugues Pouget, chef de sa maison Hugo & Victor.
Cliente de sa boutique, Catherine Deneuve a accepté un jour de cocréer une bûche de Noël parce qu’elle ne trouvait pas celle au praliné comme les années précédentes. Hugues Pouget réédite pour Noël 2022 cette bûche “Marion”, baptisée comme son personnage dans “Le dernier métro”.
“Elle m’a dit ‘j’aime le praliné, la clémentine, le café aussi, la noisette’. J’ai construit la bûche avec ces goûts. On a fait ces petits nuages de meringues”. “C’était atypique comme collaboration” en 2014, sourit-il. Depuis l’actrice revient dans la boutique pour “se faire un café-cigarette” amical.