“Je voulais me prouver que je pouvais faire autre chose” : pour son troisième spectacle, Fary, le phénomène du stand-up français, confie sa vision “authentique et pas fabriqué” de son art, toujours en quête de ses lettres de noblesse.
C’est sur la scène du théâtre de la Renaissance que Fary Lopes, dit Fary, premier humoriste a avoir été produit par Netflix en France, a retrouvé son public fin janvier. “Aime-moi si tu peux” se joue à guichets fermés jusqu’à fin mars.
Barbe finement taillée, dreadlocks travaillées: l’humoriste de 31 ans soigne son image et choisit ses salles avec autant de soin. Comme lorsqu’il se produit en 2019 aux Bouffes du Nord, l’antre de la légende du théâtre Peter Brook. Une première pour un artiste de stand-up. Son message ? Défendre le stand-up comme un art à part entière. “Ce qu’on fait, c’est pas du théâtre.”, assure-t-il. “Il y a des zones de liberté, exactement comme dans une pièce de théâtre, mais globalement ça demande beaucoup de discipline et de rigueur”.
Contrairement au théâtre, “on ne doit pas entendre le texte. On est dans quelque chose d’organique et spontané. Presque naturel”, poursuit-il. Un art noble à l’image de la boxe: seul sur scène, Fary occupe l’espace, le style et la diction parfaite comme pour une battle de rap.
Inverse du buzz
Apprécié du public et de la critique, le trentenaire n’a rien d’une fulgurance et a derrière lui une quinzaine d’années de travail. Il a commencé à se faire connaître en 2010 dans l’émission “On n’demande qu’à en rire”, sur France 2 avant de se produire au Jamel Comedy Club, et de rejoindre ponctuellement l’émission “On n’est pas couché”.
“Ça a été beaucoup de répétitions. L’inverse de la culture de la réussite par le buzz”, commente celui qui a fondé son propre comedy club, “Madame Sarfati”, en 2019, année où il a rempli Bercy (15.000 personnes) et présenté un sketch décapant aux Molière en lançant à l’assemblée un “salut les Blancs”.
A l’aise en interview, il choisit précisément ses mots, lance quelques blagues, mais reste attentif aux questions. C’est dans ce travail ainsi que dans son vécu qu’il s’appuie sur scène. Afin de transmettre un texte “authentique et pas fabriqué”. Et cela passe forcément par “une forme mise à nu”, soutient-il. Cette fois, la mise à nu porte sur le couple et l’amour.
“J’avais la volonté de montrer autre chose parce qu’à force d’aller sur des thèmes sociétaux qui me concernent, et qui concernent les gens qui me ressemblent, je voulais me prouver que je pouvais faire autre chose”, explique-t-il.
Aisance
Né à Paris en 1991 d’une famille cap-verdienne, Fary a jusqu’ici ancré son univers comique autour des questionnements liés au racisme, à la religion, et une question: qu’est-ce qu’être noir et Français ? Sujet abordé dans le film de Jean-Pascal Zadi, Tout simplement noir (2020), auquel il a participé avant de retrouver, fin janvier, son acolyte dans la série “En place”, sur Netflix.
C’est aussi ces questionnements qui l’incitent à se produire aux Antilles. “J’ai vraiment grandi en me revendiquant comme étant cap-verdien et africain et donc cette idée d’être un Français noir. Et les Antillais, ce sont des Français qui ont aussi cette culture qui est différente”, explique-t-il.
Et d’ajouter qu'”il n’y a pas d’endroit où j’ai été accueilli comme aux Antilles. Quand je suis là-bas, j’ai vraiment l’impression d’être l’enfant du pays”. Ce troisième spectacle est-il celui de la maturité ? “J’ai l’impression d’avoir atteint un certain niveau dans l’aisance et l’expérience”, dit-il. “J’ai le sentiment que je peux faire un autre spectacle derrière, ce qui n’était pas forcément le cas avec le précédent”. En attendant, Fary est attendu dans les prochains mois au Brésil, en Afrique du Sud ou encore dans les territoires d’Outre-mer.