Arrivée au Luxembourg un an avant la crise du Covid-19, Fanny Lorin, 35 ans, manage le Centre de coordination des programmes de dépistages des cancers. Un nouvel horizon pour cette ingénieure qui s’est longtemps penchée sur les questions d’alimentation. Une nouvelle vie pour cette frontalière, volubile et débordante d’énergie, qui a toujours eu soif de justice et d’équité. Fin juillet, peu de temps avant son congé maternité, on retrouve la jeune mère d’un petit garçon sur la terrasse des Capucins.

Par Karine Sitarz – © Mahamadou Moutté

Quelle jeune fille étiez-vous ? Où avez-vous grandi et dans quel environnement ?

J’ai grandi en région Centre, pendant mes premières années dans une ferme, seule avec ma mère avec laquelle j’ai un lien très fort, puis à Tours dans une famille recomposée avec deux frères et des parents passionnés de musiques traditionnelles. Ils chantaient, ma mère dansait, la musique et le chant font d’ailleurs toujours partie de leur quotidien. De là ma passion pour la musique et la danse, j’ai dansé avant de marcher. Ma mère aurait voulu que je me tourne vers le violon, mon père vers le piano, mais très jeune, j’ai opté pour la batterie et les percussions. J’en ai joué pendant 10 ans, notamment dans des orchestres à l’école de musique. J’ai aussi fait beaucoup de danse et ce, jusque vers 26 ans, hip-hop et afro-dance surtout.

Mais alors qu’est-ce qui vous a poussée vers la prévention et l’éducation à la santé ?

Je rêvais de devenir vétérinaire, les animaux ont toujours fait partie de mon monde, mais finalement je me suis tournée vers la santé publique. Je m’intéressais à tout ce qui était comportemental et à ce qui portait sur la prévention. J’ai fait une école d’ingénieurs, avec une spécialité en alimentation et, en dernière année, un master en santé publique, axé gestion de projets, à la faculté de médecine de Tours. Une année complémentaire à mes études d’ingénieur qui, elles, se sont révélées être un bon choix.

L’alimentation et l’obésité sont au centre de votre parcours professionnel. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai toujours été sensible aux questions liées à l’alimentation, car depuis toute petite je vois ma mère se débattre avec des problèmes de poids et des troubles du comportement alimentaire. Grâce à mon école d’ingénieurs, j’ai eu la possibilité de m’engager comme bénévole auprès de l’association Alibabaa, on allait dans les écoles pour discuter du b.a.-ba de l’alimentation avec les enfants, ce furent mes premiers pas sur le terrain de la prévention.

Comment s’est passé le passage vers la vie active ?

A l’hôpital universitaire où j’ai étudié, une filière de soins obésité se créait et mon directeur de master m’a recommandée pour le poste de coordinatrice. Je me suis retrouvée à gérer un projet d’ampleur régionale ! L’idée était de proposer aux personnes prises en charge un vrai parcours de soins qui démarre avant l’opération et offre un vrai suivi après celle-ci. J’y ai travaillé deux ans et demi avant de rejoindre la FRAPS (ndlr : Fédération régionale des Acteurs en Promotion de la Santé) à Orléans où pendant cinq ans je me suis occupée de prévention. Je faisais un peu de tout, de la formation des professionnels au montage des budgets en passant par des interventions en maternelle ou à la faculté.

Quand et comment avez-vous posé vos bagages au Luxembourg ?

En 2019, par un heureux concours de circonstances. A l’époque, mon beau-frère y travaillait et pendant les vacances on était venu lui rendre visite. Comme on a bien aimé la région, il m’a suggéré de regarder les offres d’emploi dans le domaine de la santé où, disait-il, on avait du mal à recruter. Mon conjoint, avec qui je suis depuis le lycée, m’a accompagnée dans cette démarche. Il a fallu tout lâcher, mais, à l’époque, on n’avait pas encore d’enfant… Cela a surtout été dur pour ma mère.

En quoi consiste votre travail de cheffe de service du Centre de coordination des programmes de dépistages des cancers ?

Je fais de la gestion administrative et de la gestion de projets et je manage et coordonne une équipe d’une douzaine de personnes. Mon background médical m’aide énormément, je peux facilement échanger avec les médecins. Nous avons deux programmes de dépistage, l’un pour le cancer du sein, l’autre pour le cancer colorectal. Nous essayons d’en améliorer la participation, actuellement autour de 50% pour le premier, 30 à 35% pour le deuxième programme qui n’a démarré, lui, qu’en 2021. Nous devons nous assurer que ce que l’on propose est bien justifié d’un point de vue médical et que nos programmes suivent les guidelines européennes. Ainsi nous révisons actuellement les tranches d’âge de nos programmes conformément aux nouvelles recommandations de la Commission européenne. Nous avons aussi évalué les besoins d’un programme de dépistage du cancer du col de l’utérus et nous devons voir ce qu’il en est pour les cancers broncho-pulmonaires, de l’estomac et de la prostate.

En cet octobre rose, alors que le cancer du sein reste un des plus fréquents et des plus meurtriers chez les femmes, avez-vous un message à transmettre ?

Quand on se sent bien, on se dit qu’on n’a pas besoin de dépistage. Beaucoup de femmes sont hélas réticentes, la mammographie ayant mauvaise réputation. Or, c’est un examen efficace quand il est répété, d’où notre invitation envoyée tous les deux ans. Les résultats sont lus deux fois et de manière indépendante, une première fois à l’hôpital puis à la direction de la santé où le compte-rendu arrive masqué. Il faut d’ailleurs que nous développions notre partenariat avec les médecins de première ligne médicale pour qu’ils soutiennent mieux notre programme.