En octobre 2023 l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) constatait que, « la traite des êtres humains est l’une des activités illicites les plus lucratives en Europe. Elle rapporterait environ 3 milliards de dollars par an. Selon les dernières estimations mondiales, 49.6 millions de personnes sont touchées, soit 25% de plus qu’en 2016.
Par Cadfael
Pas de fin en vue
« C’est l’histoire de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, exploités sexuellement, soumis au travail forcé, au mariage forcé, au trafic de drogue, à la servitude domestique, au prélèvement d’organes et à d’autres horreurs/…/Dans ce lot, les réfugiés et les migrants qui fuient les persécutions ou la violence, ou qui sont à la recherche d’une vie meilleure, sont particulièrement exposés, non seulement dans leur pays d’origine, mais aussi dans les pays d’accueil, le long de leur itinéraire et à destination./…/ Il est alarmant de constater que les enfants représentent un tiers de l’ensemble des victimes détectées » Tel est le constat a l’ONU. Les femmes représentent plus de 70% de toutes les victimes.
Les rois du porno sont à Luxembourg
Selon le magazine en ligne Wired.com du 25 juin dernier, le trafic d’êtres humains prend des formes de plus en plus « dégradantes ». Aux États-Unis, entre 2012 et 2019, plus de 400 films pornographiques ont été édités par le réseau criminel « GirlsDoPorn ». Les principaux responsables ont été condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans pour avoir exploité sexuellement « par la force, la fraude et la coercition » plus de 400 victimes. Aujourd’hui, des réalisateurs de deep fakes, ces procédés de manipulation reposant sur l’intelligence artificielle, recyclent les éléments de ces films en y greffant des visages de personnalités, violant ainsi une seconde fois les droits des victimes. Une enquête de la chaîne de télévision Channel 4 a identifié plus de 4 000 vidéos de ce type en ligne. Des procès sont en cours impliquant la société mère Pornhub. La société faitière de Pornhub, Aylo Holdings, accepte de payer des miettes de dommages à quelques-unes des plus de 400 victimes. Aylo a son siège social au Luxembourg pour des raisons fiscales. Sommet du cynisme, la société appartient à un fonds d’investissement canadien au nom évocateur d’« Ethical Capital Partners ». C’est un business lucratif : en 2018, le site aurait eu plus de 33,5 milliards de visiteurs, dont trois milliards en janvier 2024 rien qu’aux États-Unis. On notera que ce mardi, Mme Meloni, Première ministre d’Italie, était devant la justice italienne, demandant des dommages et intérêts à deux citoyens italiens ayant téléchargé un deep fake la représentant.
L’Europe des trafiquants
Un réseau chinois démantelé le mois dernier par la police italienne faisait venir par avion des concitoyens en Serbie, pays qui n’exige aucun visa pour les ressortissants chinois. Ensuite, ils étaient transportés par la route des Balkans, bien habillés et déguisés en touristes de luxe à bord de voitures de même type. Une fois en Italie, les trafiquants les gardaient sous clé dans une maison en Vénétie, leur ayant confisqué leurs passeports, pour ensuite les répartir dans le reste de l’Europe où ils étaient exploités afin de rembourser leur passage. Les autorités ont dénombré 77 victimes, dont beaucoup de femmes et quelques mineurs. En dehors de la saisie de 18 véhicules et de milliers d’euros, 27 Chinois ont été inculpés. À la même époque, selon Europol, les Espagnols ont démantelé plusieurs réseaux chinois : un à Majorque ainsi que deux sur le continent, ayant à leur actif plusieurs centaines de victimes, dont beaucoup finissaient dans la prostitution. Leur chiffre d’affaires est estimé à un million d’euros. Cette opération a été précédée en janvier par l’arrestation de 27 individus en Belgique et d’un en Espagne, menant au démantèlement du plus important réseau de prostitution chinois en Europe.
De la Manche à Luxembourg
Le 23 avril dernier, lors d’une tentative de passage clandestin vers l’Angleterre depuis la France, une équipe de la BBC filmait. Une petite fille de 7 ans, Sara, a été écrasée avec quatre autres personnes lors de l’embarquement sur le bateau des passeurs. On leur avait promis qu’il n’y aurait que 40 personnes à bord. Le décompte final par les autorités françaises a révélé qu’il y en avait trois fois plus. Au dernier moment, un groupe de Soudanais serait apparu et aurait forcé le passage vers l’embarcation. La petite Sara s’est retrouvée écrasée. L’équipe de la BBC a décidé de retrouver l’organisateur de ce massacre. Le reportage de la BBC, incluant les séquences filmées sur le vif, a été mis sur YouTube à la fin de la semaine dernière. On y voit clairement l’organisateur exhibant des papiers irako-italiens, interviewé par les journalistes. Il nie toute implication. Cela se passait à l’arrêt de tram au Kirchberg, non loin de la Cour de Justice européenne. Le ticket de passage sur la Manche coûte 1500 euros. Le ministre Gloden a vaguement pris position lundi à la Chambre des députés. À peu près à la même période, Europol organisait une semaine internationale dédiée à la répression du trafic d’êtres humains, entraînant l’arrestation de 219 criminels et l’identification de 1400 victimes. Sur la liste des autorités participantes, on chercherait vainement le Grand-Duché.
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