Son manager vient de la fête foraine et la carrière du chanteur fut un grand huit, avec sommets et abysses: Elvis, biopic porté par la révélation Austin Butler, dans le rôle-titre, et Tom Hanks, sort mercredi dans les salles françaises, deux jours plus tard aux Etats-Unis.
Comme dans un parc d’attractions, le spectateur ne voit pas passer les 2h39 du long-métrage de l’Australien Baz Luhrmann. Le montage échevelé et l’explosion de couleurs, signatures du cinéaste de Moulin rouge, désarçonnent dans les premières scènes. Avant que le rythme au pas de charge ne fasse sens. Le show-biz est une lessiveuse et l’interprète de Love Me Tender a fini essoré, décédé à 42 ans en 1977.
Mention spéciale à Austin Butler
L’Américain Austin Butler, 30 ans, relève avec brio le défi d’incarner le “King” pendant deux décennies. Avec une sacrée performance : c’est sa voix qu’on entend dans les séquences où Presley chante. “J’avais cette envie irréaliste d’avoir le même visage que lui (rires), je me regardais dans le miroir en me demandant comment faire, puis je me suis libéré de cette pensée, ce qui m’a permis de dépouiller l’icône pour aller vers l’humain”, a-t-il raconté en mai devant des journalistes à Cannes, où le film a été projeté hors compétition.
Le Californien, également mannequin, apparu dans des séries Disney ou encore au cinéma dans Once Upon a Time… In Hollywood de Quentin Tarantino, est bluffant dans la reproduction des concerts en 1970 dans un palace de Las Vegas. Il suffit de comparer avec Elvis : That’s The Way It Is, documentaire réalisé cette année-là par l’Américain Denis Sanders. Presley a alors 35 ans et c’est déjà une énième relance de sa carrière, réussie cette fois. Il n’a plus que sept années à vivre mais tient encore la forme, loin du surpoids final, visage bouffi sous l’effet de l’alcool et des médicaments.
Manager manipulateur
Car la trajectoire fulgurante du musicien du Mississippi n’a rien eu de linéaire, ce que retrace bien le biopic. Le début a tout du conte de fées quand le Colonel Parker, manager venu du cirque et qui gère des stars de la country, repère ce gamin “blanc qui chante comme un Noir”, comme le restitue le film. L’impresario mise sur ce showman né qui met en transe les spectatrices, bien avant les Beatles ou les Rolling Stones.
Tom Hanks, grimé, vieillissant sa voix, lesté artificiellement de la silhouette pachydermique du Colonel Parker, livre une prestation dont les Américains raffolent. Il excelle en manipulateur pour qui “show must go on” et les caisses doivent se remplir. Qui offrira le meilleur et le pire à son poulain. Austin Butler brille en jeune Elvis aux premiers succès, hérissant par ses déhanchements l’Amérique puritaine des années 1950. Et qui voit rapidement ses illusions fracassées par une industrie musicale cynique.
Des épisodes méconnus du grand public sont bien exploités dans le biopic. Forcé à chanter avec un chien dans un show télé, mauvaise idée de Parker, Elvis lui rend la monnaie de sa pièce en se produisant tout de cuir noir vêtu pour un show TV de Nöel, loin des pulls à bonhomme de neige. Le film n’est pas exempt de défauts — scènes ampoulées d’Elvis enfant découvrant la musique noire américaine — mais ne cache rien d’une vie dans le tourbillon “sexe, drogue et rock’n’roll”.