La pandémie, à travers la fermeture des magasins et les confinements successifs, a poussé le public à se tourner vers le ‘fait maison’ dans de nombreux domaines, dont les cosmétiques. Exit les formules à rallonge, place au naturel et à l’authentique. Edith Petitet, docteur en sciences biologiques option écotoxicologie, et auteure de l’ouvrage “1 ingrédient = 3 cosmétiques”*, revient sur ce phénomène, et sur les rudiments de la cosmétique DIY.

Docteur en sciences biologiques option écotoxicologie, vous avez tout stoppé du jour au lendemain pour vous tourner vers la phytothérapie et l’aromathérapie. Pourquoi ce choix ?


Tout est en réalité question de continuité. Née en Gironde, j’ai passé mon enfance à faire des cabanes dans les bois, tout en observant d’un œil mauvais l’arrivée des industries pétrolières qui ont complètement détruit cet environnement exceptionnel. On ne mangeait plus de bons poissons que mon père pêchait dans la Garonne mais des poissons au goût de pétrole… Même les fruits en avaient le goût. Après un bac scientifique, je décide donc d’apprendre ce qu’il faut pour dépolluer la terre et l’eau. J’ai passé plus de 20 ans chez Rhône-Poulenc en tant que toxicologue puis pharmacologue, puis j’ai rejoint l’agence de valorisation de la recherche. Il y a plus de 10 ans, nous avons décidé avec mon mari, alors pharmacien et chercheur en pharmacologie, de reprendre les études pour apprendre la phytothérapie, l’aromathérapie et la cosmétique naturelle. Puis nous avons ouvert une herboristerie et un petit centre de formations et d’ateliers dans ces matières. Je développe désormais plusieurs activités permettant aux personnes de prendre conscience des nombreux polluants qui nous entourent et comment en limiter le plus possible la consommation, que ce soit dans les soins cosmétiques, thérapeutiques ou nutritionnels.

Avec la pandémie, les consommateurs se sont tournés en masse vers le DIY en cosmétique. Est-ce l’avenir ? 


Je pense que les consommateurs se sont tournés vers le Do it yourself (DIY) de façon très générale, pas qu’en cosmétique. Mais il y a eu une prise de conscience supplémentaire. Ils se sont non seulement rendu compte de ce qui n’était pas bon pour leur santé, mais ont également réalisé qu’ils pouvaient faire beaucoup de choses par eux-mêmes.

En quoi ces cosmétiques sont-ils plus respectueux de la peau et de la planète ?


Un produit de soin pour la peau, c’est-à-dire pour maintenir en bonne santé, n’a pas besoin d’être autre chose qu’un peu de gras et un peu d’eau. Un cosmétique n’est pas un médicament. Il n’a pas vocation à soigner une maladie de peau, et il n’a pas le droit d’avoir des effets secondaires. Il peut être fait tout simplement à base de molécules émanant d’organismes vivant sur cette planète, et non de molécules de synthèse que le monde minéral, végétal ou animal, ne connaît pas ou ne sait pas traiter pour éliminer.

On peut aussi penser que fabriquer soi-même ses cosmétiques n’est pas une mince affaire. Est-ce vraiment accessible à tous ?


Quand on pense que c’est compliqué, c’est qu’on estime qu’il va falloir refaire ce que la cosmétique industrielle a su développer, à savoir des prouesses chimiques, technologiques… et réglementaires. Il faut donc commencer par comprendre que le produit cosmétique qu’on va pouvoir concocter n’a rien à voir avec ce que le marché propose. Si on ne sait pas ça, si on ne l’accepte pas, c’est que l’on n’est pas prêt à s’appliquer des produits faits par soi-même. Certains proposent de ‘copier’ la cosméto conventionnelle en faisant acheter finalement des centaines d’ingrédients… C’est un bon commerce.

Quelles sont les bases du ‘fait maison’ en cosmétique ? 


Comme je viens de le dire, il n’y a pas besoin d’énormément de choses. La qualité des ingrédients de départ est primordiale, bien sûr, mais il faut également faire attention à ne pas s’intoxiquer avec des extraits dont l’activité biologique peut-être très puissante, comme les huiles essentielles par exemple, ou par manque de propreté, et se retrouver à se tartiner le visage avec un concentré de bactéries. Au préalable, il faut apprendre certaines choses basiques, comme on a pu apprendre les bases de la cuisine. Premièrement donc, ne pas s’intoxiquer ! Tout le monde met les restes au frigo, et bien c’est pareil pour son produit cosmétique !

Vous proposez de fabriquer trois cosmétiques avec un seul et même ingrédient. Quels sont ceux qui se révèlent incontournables dans la salle de bain ?


Comme ingrédients de base, il est important d’avoir une huile végétale et un hydrolat, mais aussi un conservateur bactériostatique en guise de produit technique de base.

Le naturel est-il vraiment aussi efficace que les molécules développées en laboratoire ?


Tout dépend de ce que vous voulez dire par ‘efficace’. Si je veux quelque chose de basique, à savoir minimiser les pertes en eau – c’est ce qui se cache derrière le qualificatif ‘hydratant’ d’un produit cosmétique – alors effectivement, oui, une huile végétale peut être aussi efficace.

Les recettes de grand-mère ont plus que jamais la cote. Citron, miel, bicarbonate de soude, sucre… On les retrouve même sur les réseaux sociaux. Le passé serait-il l’avenir d’une beauté plus responsable ?


Je pense que cela n’a rien à voir avec le passé ou le présent. Disons que la tradition nous amenait à faire quelque chose en partant du principe que ‘depuis des années on fait comme ça et ça marche’. Et aujourd’hui, on peut se donner les moyens de comprendre pourquoi ça marche. Mon livre est dans cette optique. Il faut que le lecteur comprenne pourquoi il va mélanger cet ingrédient avec tel autre, sinon ça n’a pas de sens. Sur les réseaux sociaux, tout le monde copie tout le monde. On ne sait plus pourquoi on mélange telle chose avec telle autre. Et quand un ingrédient vient à manquer, on le remplace par un autre ingrédient qui porte presque le même nom… Mais qui n’a pas la même fonction chimique. Résultat, on transforme un bon produit de soin pour la peau en quelque chose qui peut être toxique. Quand je donne des formations en cosméto naturelle, je ‘m’amuse’ justement à demander aux personnes de venir avec des recettes fétiches, et après deux jours de cours, elles commencent à devenir suffisamment critiques pour dire ce qui va ou ce qui ne va pas.

Vers quels ingrédients doit-on se tourner pour avoir une peau purifiée, éclatante, et ‘jeune’ ?


C’est tellement différent d’une personne à une autre… L’avantage de la cosméto DIY réside justement dans le fait de pouvoir être acteur de l’entretien de sa peau. On essaie les ingrédients jusqu’à trouver le bon pour soi. Il y a un dernier point qu’il ne faut pas oublier, bien qu’il ne soit pas dans l’ouvrage : la meilleure des choses pour avoir une peau en bonne santé, c’est tout simplement de prêter attention à ce que l’on ingère volontairement, comme l’eau et la nourriture, ou pas, à l’instar des éléments toxiques retrouvés dans les produits cosmétiques et ménagers, mais aussi dans la nourriture et l’eau. Un jour, des étudiants en hydrothérapie m’ont demandé dans quoi diluer des huiles essentielles pour faire une application sur la peau. Je leur ai répondu qu’il était possible d’utiliser n’importe quelle huile végétale – ou presque. Une étudiante intriguée s’étonne : “Non, quand même pas l’huile végétale d’olive que l’on mange”. Devant tant de déconvenue, je lui ai répondu que tout ce que l’on mange devrait pouvoir s’appliquer sur la peau, et inversement.

*L’ouvrage “1 ingrédient = 3 cosmétiques – Vous allez adorer le naturel !” d’Edith Petitet, aux Editions Ulmer.