En Europe comme dans d’autres parties du monde, la confiance des citoyens dans les institutions est en train de fondre comme neige au soleil. Ce sont les conclusions de la 22e édition du « Edelman Trust Barometer ». Le sondage a eu lieu du 1er au 24 novembre 2021 sur un échantillon de 36 000 répondants dans 28 pays. Les résultats de l’édition 2022 concernant les démocraties occidentales donnent à réfléchir.
Texte : Cadfael
Une société de communication très américaine
Se désignant eux-mêmes comme la société de communication, de relations publiques et de marketing la plus importante au monde, « Edelman Trust » et ses filiales sont localisés à Chicago et New York. Avec plus de 6 000 personnes, ils génèrent un revenu proche du milliard de dollars. Leur filiale d’études et de recherche se compose de 350 personnes, dont 25, à Paris. Le baromètre annuel de ce groupe conservateur, pur produit des milieux d’affaires américains, mérite qu’on y prête attention, car il met en œuvre des moyens considérables depuis plus de deux décennies. Le dernier baromètre du groupe montre qu’en l’espace d’un an la majorité des pays consultés a vu son indice de confiance se dégrader ! Celui-ci est défini par la moyenne de la confiance accordée aux quatre grands groupes de pouvoirs dans un état : le Gouvernement, les médias, les ONG et les Entreprises.
Le cycle de la méfiance
Le sondage 2022 révèle une spirale sociétale de la méfiance alimentée par deux piliers, les gouvernements et les médias qui jouent sciemment ou non sur les divisions sociétales et une désinformation vraie ou perçue comme telle. La méfiance envers les gouvernements s’installe dans 17 des 27 pays interrogés sauf pour la France ou 53 % des interrogés font confiance à leurs dirigeants politiques et pour les dictatures comme la Chine où la confiance demeure à 91%. Assez paradoxalement, les résultats montrent que « la France est la seule démocratie occidentale qui arrive à progresser cette année, un gain de deux points, de 48 à 50, passant ainsi du groupe des pays en défiance aux pays neutres. Une première en 10 ans. »
Les contre-pouvoirs
Selon Edelman, le patronat et les ONG sont considérés comme seuls aptes à amortir ces dynamiques de division qui tournent autour des thèmes majeurs que sont : le chômage, le changement climatique, les menaces en provenance du monde numérique comme les fake news et les cyberattaques, l’érosion des libertés civiques ainsi que le racisme. Dans les pays occidentaux, ces peurs sociétales sont en progression depuis le sondage de 2020 et se manifestent à travers une crise de confiance profonde envers les gouvernements en Europe sauf pour le pays de Voltaire qui est en état de balance neutre et qui peut basculer d’un côté ou de l’autre selon la conjoncture.
L’Allemagne championne toutes catégories
Berlin bat les records de méfiance. Seulement 20 % des interrogés se montrent optimistes quant à l’avenir et 47 % pensent que le capitalisme dans sa forme actuelle est plus nocif que positif. Il en va de même avec la confiance envers le gouvernement. 48% font confiance à l’économie et les ONG recueillent un crédit de confiance de 40%. Le baromètre souligne un écart de 21% entre les réponses des sondés issus des revenus modestes et ceux des hauts revenus. Une majorité pense que les leaders politiques et les médias leur mentent et sont clairement perçus comme des forces de division. Seules les informations originaires des entreprises sont considérées comme fiables. 70% des interrogés attendent des grands patrons qu’ils participent de manière constructive au dialogue sociétal.
Le sondage a été fait en novembre de l’année dernière. Un nouveau sondage flash a été effectué fin janvier 22 et montre que la confiance est remontée de quelques points à la suite de la mise en place du gouvernement Scholz, mais fondamentalement rien ne change. Selon le baromètre une politique de dialogue qualitatif de haut niveau est perçue comme étant une des clefs au rétablissement.
Qui mérite la confiance ?
Sur un plan général, il y a peu d’élus : la confiance envers l’Union européenne baisse constamment et seule l’Organisation mondiale de la santé s’en sort honorablement. La méfiance déclarée envers les produits d’origine chinoise, indienne ou coréenne est contrebalancée pour la confiance dans les produits occidentaux et des secteurs économiques comme les technologies, l’éducation et les industries touchant à la santé.
Les services financiers, qui reviennent de loin, passent péniblement la barre des 50 % de confiance. Il en va de même pour les médias où le seul pays à tirer son épingle du jeu est les Pays-Bas. Les réseaux sociaux polarisent la méfiance, les entrepreneurs et les ONG par contre capitalisent en matière de sympathie.
Le Luxembourg
Le pays n’est pas repris dans le baromètre Edelman. La proximité parfois la familiarité des politiciens de tout bord avec les électeurs y fausse certaines perspectives. Le pays garde une sorte de tendresse pour ceux qui ont été élus, mais le « Beschass », cette spécialité composée de médisance et de rumeurs n’est guère tendre avec eux. Malgré la gentillesse des questions posées lors des sondages luxembourgeois de novembre 21 et juillet 22 on peut y lire un fil conducteur qui montre une opinion publique qui semble avoir une piètre opinion de la qualité du travail fait par beaucoup de politiciens même si leur notoriété reste haute. Même connu, on ne devient pas pour autant un foudre de guerre en politique. Une fois n’est pas coutume, l’abbé de St Maximin sauve la mise, mais certaines de ses ouailles risquent fort d’écouter le chant des pirates.