Des mannequins aux airs d’adolescents rebelles en sweat Reebok, escarpins Manolo Blahnik ou tabliers géants Carhartt: bienvenue au défilé Vetements, marque devenue en deux ans la sensation des Fashion Weeks, qui a bousculé les codes, dimanche, au premier jour de la Semaine de la haute couture à Paris.
Après avoir choisi des décors aussi divers qu’une église et un restaurant chinois pour ses shows précédents, Vetements avait donné rendez-vous aux Galeries Lafayette. Au premier étage du grand magasin, entre les corners des marques de luxe et de créateurs fermés à la clientèle pour l’occasion, journalistes et acheteurs ont assisté à un défilé essentiellement constitué de collaborations avec 17 marques, populaires et streetwear pour beaucoup, plus luxueuses pour d’autres. “L’idée c’était de travailler avec les marques et les fournisseurs spécialisés dans leurs produits. Par exemple, le bomber jacket Alpha Industries, le blouson de biker Schott, Champion pour les sweats, etc”, a expliqué en coulisses Demna Gvasalia, le créateur à la tête de Vetements.
La silhouette Vetements, androgyne, oversize et déconstruite, est bien là: les costumes de Brioni épousent cette esthétique, avec leurs épaules exagérées, les ceintures démesurément longues pendent le long du corps. Les salopettes Levi’s sont comme rapiécées et couvertes de zips, pour la touche recyclage caractéristique de Vetements: la marque a connu le succès notamment grâce à un jean devenu culte chez les fashionistas, construit à partir de deux paires de Levi’s découpées et ré-assemblées.
Les chemises de Comme des Garçons se portent à moitié rentrées dans le pantalon pour un effet débraillé et se déboutonnent au niveau du ventre, en losange. Les robes-tabliers de Carhartt sont XXL. Les santiags de la marque américaine Lucchese s’étirent pour devenir des cuissardes, tout comme les escarpins de Manolo Blahnik, qui se portent avec un ensemble veste et pantalon de jogging Reebok. Le défilé est mixte, les genres se mélangent.
“Que veut dire la haute couture”
La raison de ces collaborations était avant tout d’ordre pratique: il s’agissait de “faciliter le process de fabrication de la collection”, indique le créateur géorgien, également directeur artistique de Balenciaga. Car Vetements disposait de moins de temps que d’habitude pour préparer sa collection. Remettant en cause le calendrier traditionnel de la mode, la marque a choisi de présenter sa collection printemps-été 2017, non pas lors de la Fashion Week parisienne de septembre comme elle le faisait auparavant, mais en juillet, pendant la semaine de la haute couture, en concertation avec la Fédération française de la Couture. Signe de l’importance de ce label, pourtant bien éloigné de l’univers traditionnel de la haute couture, royaume du sur mesure, du travail à la main et des métiers d’art.
La démarche est stratégique pour cette marque indépendante: “c’est la période où les acheteurs ont le plus de budget”, souligne Demna Gvasalia, qui est épaulé côté business par son frère Guram, PDG de l’entreprise.
Le créateur entend aussi interroger “ce que veut dire aujourd’hui la haute couture. Est-ce que c’est toujours les jolis drapés, autour du corps, en satin en mousseline?”
Pour Versace en tout cas, la haute couture rime avec drapés glamour et silhouettes sculpturales. Lors de son défilé au Palais Brongniart, Donatella Versace a voulu présenter “une manière heureuse de vivre la mode”, avec ses robes rappelant le Hollywood des années 50. En coulisses s’affairait une armée de couturières pour des retouches de dernière minute.
La Russe Ulyana Sergeenko a, quant à elle, revisité une fois de plus un pan de l’histoire de son pays, au Museum d’Histoire naturelle, en allant puiser l’inspiration dans la période du “dégel”, sous Nikita Khrouchtchev, dans l’Union soviétique des années 60. Les étudiantes côtoient les sportives, avec des tricots de corps, des collants opaques à côtes et des mocassins, portant des casques de moto. “Cette collection est dédiée à la jeunesse de nos parents”, a indiqué la créatrice dans un communiqué.