Pas de festival avant “mi-juillet” a annoncé Emmanuel Macron: Avignon a annulé dans la foulée et les grands rendez-vous culturels de l’été, à commencer par Cannes, sont plus que jamais menacés par la stratégie pour lutter contre le coronavirus.
“Pour le monde de la culture, les mois qui viennent seront difficiles. La mobilisation du ministère de la Culture ne faiblira pas. Nous serons aux côtés de tous les acteurs culturels et mettrons en place un plan spécifique annoncé par Emmanuel Macron”, a twitté le ministre de la Culture Franck Riester.
Rideau pour Avignon
Deux heures après l’intervention du chef de l’Etat, Olivier Py, directeur, et Paul Rondin directeur délégué de la plus célèbre manifestation théâtrale du monde, ont tranché. “Nous avons partagé l’espoir aussi longtemps que cela était permis, mais (…) les conditions ne sont plus aujourd’hui réunies pour que se déroule la 74e édition”, prévue du 3 au 23 juillet.
La Cité des Papes devient d’ordinaire chaque juillet la “capitale du théâtre”, attirant 700.000 visiteurs. Il y a le Festival principal, dit le “In” mais surtout le “Off”, encore plus grand (plus de 1.500 spectacles, par un millier de compagnies dans 200 théâtres de la ville). Le président du “Off”, Pierre Beffeyte, a expliqué à l’AFP prendre acte des déclarations d’Emmanuel Macron et du communiqué du “In”, et réunir un bureau mardi matin et un conseil d’administration dans la semaine.
Les retombées économiques pour Avignon sont de l’ordre de 100 millions d’euros, selon les estimations, dont 25 millions générés par le “In”. Cette annulation s’annonce catastrophique pour des milliers d’artistes et de techniciens, dont de nombreux intermittents. Depuis sa création en 1947, le Festival n’a été annulé qu’une fois, en 2003, en plein conflit des intermittents.
Pas de stars sur la Croisette ?
Le 19 mars, le Festival de Cannes avait déjà tiré un trait sur ses dates initiales, du 12 au 23 mai. Les organisateurs voulaient pourtant garder espoir et travaillaient sur “plusieurs hypothèses”, “dont la principale serait un simple report, à Cannes, fin juin – début juillet 2020”.
Mais si on en reste là, cette manifestation attirant 40.000 professionnels et 200.000 spectateurs, la plus importante et prestigieuse dans le monde du cinéma, ne se tiendra sans doute pas cette année.
Ce ne serait pas la première fois que ce carrefour mondial du 7e art doit renoncer. L’édition de mai 1968 fut ainsi interrompue après une fronde menée par des cinéastes, Jean-Luc Godard et François Truffaut en tête, en soutien au mouvement étudiant et ouvrier. La première édition en 1939 fut elle reportée en 1946 en raison de la seconde guerre mondiale. Les cuvées 1948 et 1950 furent elles annulées pour raisons budgétaires.
Cannes, dont Spike Lee devait être président, peut-il se résumer cette année à un festival en ligne? Thierry Frémaux, délégué général, a balayé l’idée dans un entretien accordé à Variety la semaine passée: “Pour Cannes, son âme, son histoire, son impact, c’est un modèle qui ne pourrait pas marcher”.
Musiques : Silence, on ne tourne plus ?
Les références du genre à l’étranger pour les musiques actuelles avaient donné le ton, comme Coachella, en Californie, reporté en octobre.
Depuis, les incontournables français – Eurockéennes (2-4 juillet, 128.000 spectateurs en 2019), Francofolies (10-14 juillet, 150.000), Vieilles Charrues (16-19 juillet, 270.000) ou Rock en Seine (29 août-1er septembre, 100.000) – tremblent.
Les premiers à prendre la décision d’une année blanche furent le Printemps de Bourges (200.000 spectateurs en 2019), qui devait se tenir fin avril, puis le Hellfest (juin, 180.000 spectateurs), le Lollapalooza (juillet, 95.000 spectateurs) et Solidays (juin, 228.000 spectateurs).
Les festivals de juillet peuvent-ils reporter? Et ceux d’août ou septembre ont-ils des garanties? Rien n’est moins sûr. “Il y a les artistes américains, qui construisent leur tournée européenne en bloc de six semaines: vont-ils venir alors que leur nombre de dates s’est déjà réduit avec les premières annulations? Sans nos têtes d’affiches, la situation devient intenable”, déclarait ainsi à l’AFP début avril Arnaud Meersseman, à la tête de AEG Presents France, qui a dans son portefeuille Rock en Seine.
“La crise économique nous pend au nez: les gens vont-ils dépenser 80 à 100 euros pour un festival?”, s’interrogeait-il en conclusion.