Quel est le point commun entre Amazon, Apple, Fiat, Ikea, McDonald’s, Nike et Starbucks ? Tous ces géants bien connus du grand public ont eu affaire à la Commission européenne, qui a cherché, par le biais de ses investigations en matière d’aide d’État illégale, à remettre en cause certaines de leurs structures destinées à optimiser leur charge fiscale. Après plus de dix ans de batailles juridiques, la saga des aides d’État semble toucher à sa fin. Cependant, ces affaires ont sensibilisé à l’importance de l’équité fiscale et à la nécessité de lutter contre l’évasion fiscale.
Rédaction : Sophie Balliet, Counsel chez A&O Shearman Luxembourg
Plus d’équité avec plus d’harmonisation fiscale ?
La fiscalité joue un rôle essentiel dans la cohésion sociale et la souveraineté nationale d’un pays. Dans l’Union européenne, près de 90 % des recettes publiques proviennent des impôts, soulignant ainsi l’importance de veiller à ce que les systèmes fiscaux des États membres soient capables de générer les recettes nécessaires.
La Commission a fait sienne la lutte contre l’évasion fiscale et a lancé toute une série d’investigations en matière d’aide d’État entre 2014 et 2016 contre de grands groupes. Sur le plan juridique, ces affaires se sont toutes soldées par un échec pour la Commission sauf l’affaire Apple, dans laquelle la Cour de justice de l’Union européenne a décidé le 10 septembre 2024 que les accords fiscaux (ces fameux rescrits fiscaux) entre l’Irlande et Apple sont bien une aide d’État illégale. L’Irlande doit désormais récupérer la somme de treize milliards d’euros.
La Commission a cependant atteint son objectif: du fait de la médiatisation sans précédent de ces enquêtes, le grand public a été sensibilisé aux problématiques d’équité fiscale. L’objectif de la Commission est de réduire les distorsions économiques causées par des régimes fiscaux divergents. Alors même que la fiscalité directe reste de la compétence exclusive des États membres, la Commission est parvenue à faire passer nombre de mesures pour lutter contre l’évasion fiscale, accroître la transparence et tenter de simplifier la fiscalité pour les petites et moyennes entreprises.
Des avancées à l’échelle internationale
L’impulsion à l’échelle internationale a été donnée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dès 2012 avec le projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), qui vise à promouvoir une fiscalité plus transparente et équitable.
Dans ce contexte, le Cadre inclusif de l’OCDE et du G20 sur BEPS a réalisé une belle avancée dans la mise en œuvre de ses projets liés au Pilier 1 – relatif à la réallocation d’une partie des droits d’imposition des géants de la tech – et au Pilier 2 – relatif à la mise en place d’un taux d’imposition minimum mondial de 15 % pour les grands groupes multinationaux.
Il va sans dire que le bon fonctionnement de ces mesures nécessite une coopération internationale renforcée. Il faudra désormais voir quel sera en pratique l’impact des élections américaines puisque le président Donald Trump a déjà dénoncé l’accord mondial relatif au Pilier 2.
Tribune initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 265 d’avril 2025.