Préserver l’âme familiale tout en injectant une dose de modernité : tel est le pari de cette entrepreneure, qui a choisi de reprendre le flambeau d’une entreprise fondée par ses parents. Sans être issue du métier, elle a su imposer sa vision, entre stratégie financière, innovation et attachement profond à l’ADN de la marque.
Rédaction : Maria Pietrangeli
Infos
- Société : Travessa Group
- Activité : Coiffure
- Fondée en 1990
- 65 salariés répartis sur neuf salons
Quel était votre objectif principal en reprenant cette société ?
Mon objectif principal, c’était de faire perdurer l’entreprise familiale tout en en préservant l’esprit. Ce sont mes parents qui m’ont transmis cette culture d’entreprise et c’est ce qui me guide encore aujourd’hui. L’esprit familial, c’est eux, c’est notre ADN. Le plus grand défi pour moi, c’est de rester fidèle à cet héritage tout en y ajoutant ma touche personnelle, de la modernité, de l’innovation. On est dans une ère de changements constants et il faut savoir s’adapter. Transmettre une entreprise familiale, même si c’est un vrai challenge, reste une belle aventure.
Pourquoi cette activité ?
Ce n’est pas une activité que j’ai choisie au départ, mais c’est un métier qui me passionne profondément. Je ne suis pas coiffeuse de formation, je suis plutôt quelqu’un de très orientée finance. Ce qui me plaît, c’est la polyvalence de cette entreprise. Je n’aime pas être enfermée dans une case, j’ai besoin de toucher à tout. Et cette structure me le permet.
Quelle est votre stratégie de croissance à court et long terme ?
Mon père a toujours misé sur l’expansion, avec jusqu’à 25 salons, au Luxembourg, à Paris et au Portugal. Gérer des structures dans plusieurs pays, c’est très complexe. Il faut nommer des directeurs et on peut facilement perdre l’esprit familial qui nous tient tant à cœur. La pandémie a d’ailleurs accéléré certaines décisions : nous avons fermé Paris, c’était devenu trop compliqué à gérer. Je me suis alors concentrée sur le Portugal, alternant deux semaines là-bas et deux semaines au Luxembourg. Ça m’a permis de découvrir une autre culture. Aujourd’hui, ma priorité est claire : préserver nos boutiques ici, au Luxembourg.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontée en tant qu’entrepreneure ?
Les défis ne manquent pas : la pandémie, les tensions géopolitiques, les bouleversements économiques… Comme beaucoup d’autres, nous avons été frappés de plein fouet. Heureusement, j’ai pu compter sur une belle complémentarité avec mon frère. Je suis très finance, lui est plus opérationnel. On a dû revoir notre façon de penser. Les habitudes de consommation ont changé : nos clients fidèles viennent moins souvent. Leur budget a évolué et cela a forcément un impact direct sur notre activité.
Quelle est votre plus-value par rapport à la concurrence ?
Nous avons des concepts qui sortent de l’ordinaire. Ce qui fait notre force, c’est notre capacité à surprendre. On croit en notre vision et on continue d’y croire. Qui aurait parié sur un salon de coiffure en plein milieu d’une galerie commerciale ? Et pourtant, ça fonctionne. C’est cette audace qui nous distingue.
Comment avez-vous financé vos débuts, et quels conseils donneriez-vous pour lever des fonds ? Une banque vous a-t-elle aidée ?
Étant une ancienne employée de banque, je connais bien les rouages administratifs. Monter un dossier bancaire, ça peut prendre deux, quatre, parfois six mois. Et souvent, on n’a même pas d’interlocuteur direct. Mais quand on est entrepreneur, on ne peut pas attendre : il faut agir vite. Si on ne réagit pas maintenant, c’est trop tard. Le concurrent aura déjà pris l’idée. Avoir une bonne idée, c’est une chose ; la mettre en œuvre rapidement, c’est ce qui fait la différence.
Comment intégrez-vous les nouvelles technologies ou innovations dans votre activité ?
J’intègre l’innovation principalement par le biais des produits, en collaborant avec des marques comme Kérastase. Pour la communication, Instagram joue un rôle majeur. Mais je reste vigilante : il faut suivre l’évolution technologique, répondre aux attentes de la génération Z, mais sans se perdre. Il faut avancer à son rythme.
Quelle structure de networking a marché pour vous ?
Pour moi, c’était différent. À l’époque, il n’y avait pas de fédérations. Tout se faisait par le bouche à oreille, par la confiance. Mon père a tissé un réseau solide au fil des années. Ce réseau humain, construit avec le temps, est très précieux. Je reconnais toutefois que les fédérations ont aujourd’hui leur place.
Si vous pouviez revenir en arrière, feriez-vous quelque chose différemment dans votre parcours entrepreneurial ?
Peut-être que j’aurais eu plus confiance en moi, plus confiance dans mes idées dès le début. Mes parents m’ont toujours soutenue et donné une grande liberté, mais je n’osais pas toujours. Aujourd’hui, je suivrais mon instinct plus tôt, sans attendre d’avoir l’approbation.
Quel conseil pouvez-vous donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans la même activité ?
Il faut bien s’entourer. C’est vraiment la clé. Il est essentiel d’avoir une relation saine avec ses partenaires, ses fournisseurs, son équipe. On ne peut plus avancer seul aujourd’hui. Savoir s’entourer de personnes de confiance, c’est ce qu’il y a de plus précieux – et de plus difficile à trouver.
Un rêve ou une envie particulière pour les mois à venir ?
Oui, un nouveau projet est en cours. Nous allons ouvrir un nouvel espace, mais je ne peux pas encore tout dévoiler. Ce que je peux dire, c’est que ce sera quelque chose de nouveau, ici au Luxembourg, d’ici la fin de l’année. On peut s’attendre à une belle surprise.
Interview initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 266 de mai 2025.