Barcelone séduit avant même d’apparaître à l’horizon. On ne l’aborde pas, on la ressent. C’est une ville qui unit l’élan méditerranéen à une forme d’élégance urbaine, où l’effervescence artistique rencontre une douceur de vivre bien ancrée. En deux jours seulement, la capitale catalane révèle ses facettes les plus inspirées : celles d’un lieu où chaque instant s’enrobe de lumière, de goûts affirmés, de beauté discrète. Une ville qui ne s’oublie pas, car elle imprime autant qu’elle émerveille.

Rédaction : Kevin Martin

Arrivée à 21h30

Dès les premiers pas, le charme opère. Barcelone, ce nom aux sonorités ensoleillées, évoque déjà les façades ondoyantes, le goût du sel dans l’air, la promesse d’un voyage sensoriel. Pour cette escale urbaine, le Majestic Hotel & Spa s’impose comme un écrin idéal. Sur le prestigieux Passeig de Gràcia, cette institution centenaire incarne le raffinement tranquille. Marbres immaculés, touches dorées, œuvres d’art contemporain… Ici, le luxe ne se montre pas : il se vit avec retenue. La fatigue du voyage se dissipe autour d’un dîner en room service, discret mais soigné : salade d’épinards et burrata, de fruits frais savoureux, un régal. Première rencontre, premières émotions.

Premier jour

Le matin s’étire doucement sur l’Eixample. Le quartier quadrillé, aux larges trottoirs ombragés et aux balcons ouvragés, invite à la flânerie. Direction la mer. À deux pas du port, le restaurant El Tribut se niche dans une architecture discrète et apaisante. Bois blond, béton lisse, lumière naturelle omniprésente : l’endroit joue la carte de la simplicité élégante. Quelques touches organiques dans les formes du mobilier, des mosaïques colorées en clin d’œil aux trencadís, et des lignes courbes évoquent subtilement l’univers de Gaudí – comme si la nature s’invitait à table, sans jamais forcer le trait. Dans l’assiette, la cuisine catalane prend un nouveau souffle. Les artichauts sont d’une finesse croustillante, les moules en saveurs marines, le cabillaud, parfaitement nacré. Le tout accompagné de légumes croquants et parfumés. La technique est sûre, les produits impeccables. Et surtout, rien de démonstratif : juste l’essentiel, magnifiquement exprimé.

Cap ensuite sur la Sagrada Família, la cathédrale inachevée de Gaudí. On croit la connaître, mais l’émotion reste intacte. À l’extérieur, les flèches montent vers le ciel comme des prières figées. À l’intérieur, les vitraux déversent une lumière douce, presque liquide, qui colore les colonnes géantes. On marche comme dans une forêt sacrée. La visite guidée s’impose : elle permet de saisir l’incroyable symbolique gravée dans chaque recoin — nature, foi, géométrie, tout y est tissé avec une précision quasi mystique. On en ressort un peu sonné, les yeux encore baignés de lumière. Attention, il faut réserver en amont.

“Cap sur la Sagrada Família, la cathédrale inachevée de Gaudí. On croît la connaître, mais l’émotion reste intacte.”

Quelques rues plus loin, La Pedrera, autre œuvre du maître, déploie ses courbes minérales. Sur le toit, les cheminées sculptées semblent dialoguer avec les nuages. À l’intérieur, une exposition du peintre Sean Scully s’installe avec justesse. Les œuvres abstraites, puissamment rythmées, jouent avec les lignes de l’édifice. Un contraste qui fait sens : l’austérité colorée de Scully répond à la sensualité de la pierre de Gaudí. Une conversation entre deux visions artistiques, inattendue et fascinante. Jusqu’au 6 juillet 2025.

Le soir, retour dans le centre historique. Colmado Múrria, épicerie fine datant de plus d’un siècle accueille dans un décor figé hors du temps. Moulures, vitraux, comptoirs en bois… On s’attable, et la magie opère.

Croquetas au jambon ibérique, pain frotté à la tomate, souris d’agneau cuisson lentes, patatas bravas, olives presque sucrées : chaque bouchée raconte un pan de tradition. Les vitrines débordent de trésors : conserves rares, douceurs locales, bouteilles anciennes. Ici, l’histoire passe par le goût.

Deuxième jour

Le lendemain matin, direction l’ancienne enceinte hospitalière du Recinte Modernista de Sant Pau. Méconnu des touristes, ce site architectural est une révélation. Dômes colorés, mosaïques lumineuses, jardins calmes : rien n’évoque la douleur des soins de cet ancien hôpital. L’ensemble, signé Domènech i Montaner, traduit une philosophie de l’architecture comme soin, art et beauté réunis pour soulager. Un bijou, classé à l’Unesco, à découvrir absolument.

Puis cap sur l’univers sombre et saisissant de Goya Universe, au Centre d’Art Amatller. L’exposition immersive donne chair aux toiles du maître espagnol. Grâce aux projections géantes, à la musique enveloppante et aux effets de lumière, on se retrouve plongé dans les cauchemars visuels de Los Caprichos ou les tensions dramatiques des Peintures noires. Le voyage est intense, sensoriel, troublant. Un face-à-face avec les peurs humaines, mis en scène avec audace. Jusqu’au 24 juin 2025.

De retour au Majestic, l’heure du déjeuner sonne comme une pause en apesanteur. Le rooftop La Dolce Vitae porte bien son nom : vue à couper le souffle, la ville s’offre en panorama, belle et vibrante ambiance feutrée, service attentif mais détendu. Au menu : ceviche de thon au citron vert, crème catalane revisitée, un pur délice, accompagnés d’un cava rafraîchissant. Chaque plat célèbre la fraîcheur et la lumière. Une respiration bienvenue avant de redescendre dans l’effervescence de la ville. Dernière visite l’après-midi, mais non des moindres : la Casa Batlló. Avec ses écailles de céramique, ses balcons en forme de masques, ses ondulations presque liquides, cette maison semble surgie d’un conte fantastique. Les dispositifs immersifs (réalité augmentée, sons spatialisés, projections) transforment la visite en expérience presque magique. On explore l’imaginaire de Gaudí, on s’amuse, on s’émerveille. C’est une plongée dans un rêve.

La journée s’achève dans un halo de vapeur parfumée. Le spa du Majestic invite à la déconnexion. Hammam aux senteurs d’eucalyptus, douches sensorielles, tisanes aux herbes locales, fauteuils profonds… Le soin signature Toque de Calma, à base d’huiles essentielles, enveloppe le corps d’une chaleur douce et de gestes lents. Un véritable reset, à la fois physique et mental. Pour le dîner, l’expérience atteint son point d’orgue. Le restaurant Solc, niché dans l’hôtel, propose une cuisine du terroir, locavore et inspirée. Les produits proviennent de la ferme du Majestic, dans le Maresme. Turbot sauvage, soupe de châtaigne au foie gras, cannelloni de poulet aux morilles, dessert de glace caramel et croustillant de brioche : chaque plat est un hommage sincère à la terre. Les accords mets-vins sont précis, le service fluide, la soirée parfaite pour dire au revoir à cette ville gourmande.

Départ – Le lendemain matin

Et puis il faut partir. Mais Barcelone ne s’efface pas. Elle se fixe. Dans le regard, sur la langue, quelque part dans le souffle. On quitte cette ville avec une impression tenace : celle d’avoir frôlé un art de vivre où l’exigence se cache dans les détails, et où la beauté, jamais ostentatoire, se distille doucement. Longtemps après le départ, elle continue d’agir, comme une brise chaude au creux de la mémoire.

Article initialement publié dans le Femmes Magazine numéro 266 de mai 2025.