Chez Balenciaga, les nouvelles technologies ont été mises dimanche au service de la mode, avec des vêtements confectionnés en 3D et présentés dans un tunnel anxiogène, tandis que Givenchy a confondu les codes du vestiaire masculin et féminin.
Le directeur artistique de Balenciaga Demna Gvasalia a invité à Saint-Denis où les mannequins, hommes et femmes, certains âgés, en vestes aux épaules carrées, en robes tantôt moulantes, tantôt fluides, ont déambulé dans un tunnel d’écrans, offrant ainsi une immersion sensorielle dans un monde inquiétant aux paysages surnaturels.
Sentiment de panique
La vidéo réalisée par Jon Rafman, artiste et cinéaste canadien connu pour ses recherches sur l’impact de la technologie sur l’homme, débute avec l’apparition soudaine du “blue screen of death”. Ce message affiché par un ordinateur provoque un sentiment de panique.
La projection de substances liquides numérisées – en bleu, rouge, noir – fait perdre pied.
“Rien ne m’angoisse en ce moment, mais j’ai dévoilé dans ce show tout ce qui m’angoissait avant”, expliqué Demna Gvasalia, directeur artistique de Balenciaga d’origine géorgienne à l’AFP. “Regardez ce qui se passe autour de nous. Mon œuvre c’est le miroir de mon âme”.
Le designer de 37 ans qui passe son temps entre Paris et Zurich, est né à Soukhoumi, en Abkhazie, région de la Géorgie, alors république soviétique. L’indépendance de l’Abkhazie tout comme celle de l’Ossétie du Sud, une autre région séparatiste géorgienne a été reconnue par Moscou en 2008 après une guerre-éclair russo-géorgienne.
Dans les années 1990, après la chute de l’URSS, Demna Gvasalia a fui avec sa famille le nettoyage ethnique de Géorgie par les séparatistes abkhazes.
Réinterpréter l’élégance
L’approche à la mode de Gvasalia, également fondateur de la marque Vetements à l’esthétique grunge post-soviétique, est très pragmatique.
“C’est un produit de luxe, cela coûte beaucoup d’argent: nous essayons de faire le maximum de travail intellectuel avant de concevoir nos collections” pour que les gens veuillent les porter, souligne-t-il.
Nouveauté de la saison: la chemise noire à rayures blanches ou avec des tours Eiffel scintillantes imprimées sur le noir. Elle se porte assortie à un pantalon fluide.
Au printemps-été 2019, la silhouette Balenciaga se démarquera par des épaules carrées dans des blousons de cuir noir pour hommes et femmes, un manteau d’homme rouge ou des robes classiques avec la taille marquée bleu ciel, rose ou bleu marine.
La maison travaille avec la technique de moulage 3D sur les vestes et les manteaux pour femmes et hommes avec la volonté de revisiter la notion de tailleur.
Les tricots et le lycra servent à créer des robes seconde peau. Le pantalon est aussi confortable qu’un jogging, assure le styliste.
“Il faut que ce soit attrayant pour quelqu’un qui n’aime pas le costume Bond Street ou Savile Row. C’est très important pour moi”, souligne Demna Gvasalia.
“L’élégance et le glamour deviennent presque tabous aujourd’hui. Je voudrais les réinterpréter”, conclut le créateur.
Double sexualité chez Givenchy
Dans un décor minimaliste au Palais de Justice, la créatrice britannique de Givenchy, Clare Waight Keller, a joué sur la confusion des codes des vestiaires masculin et féminin pour la collection printemps-été 2019 baptisée “je suis ton miroir”.
Les plupart des mannequins femmes sont androgynes, les cheveux coupés très court qui font mieux ressortir les boucles d’oreille argentées, tellement longues qu’elles tombent sur le dos. La ligne des épaules est bien soulignée par des coupes graphiques.
L’argent qui “solidifie” encore l’allure est le roi pour rehausser le noir des longues robes romantiques, en franges sur les manches et la jupe d’une robe d’esprit disco, en collier ou en guise de monture de lunettes bijoux, pièce forte de la collection, qui se porte avec un ensemble pantalon beige.
Pour l’effet de contraste, les légères robes plissées bleu ciel ou rose se portent avec d’épais collants noirs et des sandales. Les talons sont fins, mais très bas.
Les couleurs du vestiaire féminin, sont sobres – bleu, beige, kaki, blanc. Des détails jaune ravivent les robes blanches et noires. Une robe à imprimé floral qui fluidifie la silhouette s’associe avec une courte veste graphique. Le tailleur lavande étriqué avec des boots blancs est réservé aux hommes.
“Les silhouettes s’affûtent et se rétrécissent et les garde-robes se confondent”, souligne Clare Waight Keller