Elle parle avec le cœur, cuisine avec passion et partage avec un enthousiasme contagieux : Anne Faber est à la fois journaliste, entrepreneure, auteure, créatrice de contenu culinaire et animatrice télé. Formée à Londres et à Paris, cette Luxembourgeoise (et Anglaise d’adoption !) a su créer un univers singulier mêlant storytelling gastronomique, transmission et authenticité. De ses débuts dans le journalisme à la création de son émission de cuisine, elle a tracé un chemin inspirant, sans jamais renoncer à ses convictions ni à sa créativité gourmande.

Rédaction : Alina Golovkova / Photos : Dominika Montonen Koivisto

Comment êtes-vous passée du journalisme à la cuisine ?

J’ai toujours voulu faire du journalisme, mais on m’a conseillé d’étudier une matière qui me passionnait. J’ai donc opté pour la littérature anglaise et le cinéma, avant de compléter par un master en journalisme à Londres. J’ai ensuite été embauchée par l’agence Associated Press, en pleine effervescence des Jeux olympiques et du mariage de Kate et William. Mais au bout de quelques années, j’ai réalisé que je ne racontais pas les histoires comme je le souhaitais. J’étais épuisée et j’ai fini par démissionner sans plan précis. Je savais seulement que je voulais devenir journaliste culinaire.

Vous aviez déjà un blog à l’époque ?

Oui, j’écrivais des recettes, j’étais passionnée par la gastronomie. Et par un hasard incroyable, j’ai croisé le rédacteur responsable de la rubrique gastronomie du magazine Time Out (ndlr : un guide culturel international de référence, avec des recommandations sur la gastronomie, la culture, les spectacles et les bons plans urbains) à un feu rouge à Londres. Quelques jours plus tard, j’intégrais leur rédaction pour un stage.

Puis vous êtes rentrée au Luxembourg. Comment avez-vous lancé votre première émission de cuisine ?

J’avais envie de créer quelque chose qui n’existait pas ici. J’ai proposé à RTL une émission tournée dans ma propre cuisine à Londres, avec mes amis derrière la caméra, des recettes anglaises, et des escapades dans les quartiers de la ville. En 2012, ce ton personnel et intimiste était encore rare en Europe. Quand j’ai parlé de cuisine anglaise, ils ont répondu : « Surtout pas ! ». Mais j’ai insisté, c’était fun, moderne, international. J’ai lu un livre en une nuit pour apprendre à budgétiser une émission et monté un pilote… RTL a adoré. Et ils m’ont commandé deux saisons. C’est comme ça que tout a commencé.

Vous avez aussi suivi une formation chez Alain Ducasse à Paris. Pourquoi ce besoin de retourner à l’école ?

J’avais déjà écrit plusieurs livres, mais je voulais me confronter aux bases classiques françaises. Deux mois de formation à Paris, une semaine viande, une semaine légumes… Dès mon arrivée, on m’a dit : « Vous êtes sûre que c’est pour vous ? ». Mais je voulais renforcer mes fondamentaux. Ce que j’en retiens surtout, c’est que j’apprends très bien seule. La curiosité, c’est une force.

Qu’est-ce qui vous distingue aujourd’hui des autres créateurs de contenu culinaire ?

Je viens du journalisme classique. Raconter une histoire, c’est dans mon ADN. Chaque recette a un sens, un contexte, un souvenir. Même si je suis sur Instagram, je refuse de devenir une caricature d’influenceuse. Je cuisine, je goûte, je partage. Et je suis « famous in real life » (rires) : les gens me reconnaissent au supermarché et regardent dans mon caddie afin de deviner ce que je vais cuisiner !

Quels ont été les moments marquants de votre parcours ?

Le premier livre sur la cuisine anglaise, un best-seller immédiat. L’émission sur le Portugal, tournée en 2024 et diffusée en début d’année, qui a touché la communauté portugaise du Luxembourg. Et plus récemment, de belles collaborations avec la confiserie Namur et Bexeb (ndlr : un importateur de vins et produits portugais), des cours de cuisine avec Le Moulin et des team buildings avec ChefPassport.

“Je crois profondément qu’on peut être accessible, tout en étant une vraie businesswoman.”

– Anne Faber

On sent une grande exigence dans ce que vous entreprenez.

Oui, je fais tout moi-même : de l’écriture à la production, des livres à l’organisation des événements. Je gère mes droits d’auteur, je finance mes publications. Et je sais ce que vaut mon travail ; je crois profondément qu’on peut être accessible, tout en étant une vraie businesswoman.

Vous avez publié plusieurs livres de cuisine. Racontez-nous.

J’en ai écrit six ! Mon dernier, Baking with Anne, est sorti en même temps que mon émission au Portugal. C’était intense, mais j’adore le livre papier : c’est concret, c’est beau et ça reste.

Est-ce que vous cuisinez encore tous les jours ?

Je cuisine énormément, par passion, par métier… et par pragmatisme. Je prépare souvent des grandes portions, je congèle, je prépare ma vinaigrette de la semaine. Mon congélateur est mon meilleur ami les soirs de fatigue.

Votre plat signature ?

Les Wäinzoossiss Spaghetti ! Créés pendant le confinement, avec les saucisses luxembourgeoises en boulettes, une sauce moutarde et des pâtes. Simple, familial, efficace. Je crois que tout le Luxembourg a déjà essayé cette recette ! (rires)

Comment voyez-vous l’évolution du contenu culinaire aujourd’hui ?

C’est saturé. Tout le monde publie des vidéos, mais peu font vraiment du storytelling. Il y a une fatigue des réseaux, un besoin d’authenticité. C’est pour cela que mes projets se diversifient : collaborations artisanales, émissions, événements… Et puis les livres, toujours.

“Je refuse de devenir un avatar filtré. Mon engagement, c’est l’authenticité.”

– Anne Faber

Quel regard portez-vous sur l’intelligence artificielle ?

C’est fascinant et inquiétant. Je l’utilise parfois pour brainstormer, mais je reste prudente. Rien ne remplace l’intuition, le goût, l’expérience. Je refuse de devenir un avatar filtré. Mon engagement, c’est l’authenticité.

Et demain ?

Continuer à vivre de ma passion. Transmettre mon amour de la cuisine, raconter des histoires, créer du lien. C’est ça, mon rêve.

Interview initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 267 de juin 2025.