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Texte par Cadfael
En Turquie, le statut des femmes n’est pas à envier avec un président autoritaire se réclamant de l’islam mais voulant devenir membre de l’Union Européenne.
Adieux à la lutte contre la violence à l’égard des femmes
Ankara : samedi dernier, par un décret présidentiel signé par lui-même, le président turc signifie le retrait de la Turquie de la convention de « Lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » dite convention d’Istanbul. Ce texte élaboré sous l’égide du Conseil de l’Europe et ratifié par 45 états plus l’Union Européenne, est le premier traité international à mettre en place un certain nombre d’instruments juridiques pour combattre la violence faite aux femmes. Son but : Prévenir les violences faites aux femmes, protéger les victimes et poursuivre les auteurs La Grande Assemblée turque en 2011 avait voté à l’unanimité en faveur de cette convention.
L’association des avocats turcs a immédiatement sorti un communiqué dans lequel il précise qu’un simple décret présidentiel ne peut pas abolir un traité international en vertu des principes découlant de la hiérarchie des lois.
La Turquie est un pays à très haut taux de féminicides, 479 en 2019 soit plus du triple comparé à la France. La libération de 90.000 détenus hommes durant le lock down a amplifié le problème. Selon CNN, les nombre de femmes tuées depuis le début de l’année est de 78.
Que vaut une vie de femme ?
Le cas de Pinar Gultekin est emblématique. Cette jeune étudiante en économie de 22 ans, disparue le 16 juillet 2020 et retrouvée assassinée le 21 juillet. Le meurtrier a caché le corps dans un tonneau à ordures, a acheté de l’essence dans une station-service et il l’a brûlée dans une forêt. Certains journalistes sont convaincus qu’il n’a pas agi seul. Le suspect, un homme marié de 32 ans l’aurait courtisée avec une insistance très lourde. Après le refus de la jeune fille, il l’a étranglée. Interrogé sur les motifs de son acte, il aurait répondu qu’il était en colère. A Izmir la ville du crime, une marche en souvenir de la jeune femme a été violemment réprimée par les forces de sécurité, 15 femmes ont été détenues dont deux battues durant leur détention.
La presse turque cite d’autres meurtres sur le même modèle dont certains maquillés en suicides. Fin août une jeune femme a été violée à plusieurs reprises par un sergent avant de suicider. Les plaintes n’ont pas abouti, le coupable a été relâché malgré des preuves accablantes.
Selon le site « OrientXXI » le budget alloué à la Direction générale de la condition de la femme, organe dépendant du ministère de la famille et des politiques sociales, ne représente que 0,0038 % du budget total, et a stagné entre 2014 et 2016, tandis que celui du ministère augmentait d’environ 2 milliards d’euros.
Toujours selon « Orient XXI » dans « le Kurdistan turc profond, l’inégalité dans les relations entre hommes et femmes ainsi que le traitement des cas devant la justice sont encore plus marquées là où le système tribal règne encore. »
Des administrations kurdes respectueuses
Situation totalement différente dans les villes à population majoritairement kurde comme Diyarbakir and Mardin où les droits des femmes ont été renforcés très tôt, avec entre autres un système de mayorat hybride homme-femmes. Il y existe une législation punissant les maris violents par la diminution de moitié de leurs salaires, moitié reversée à l’épouse. Les contrats d’emploi de pères polygames, violents ou organisant des mariages d’enfants ainsi de ceux qui empêchent leurs filles d’aller à l’école sont automatiquement annulés. Certains des maires kurdes élus démocratiquement ont été démis par Ankara qui les a remplacé, par ses hommes liges qui ont annulé ce type de législation. Dans la région kurde de Rojava en Syrie, non contrôlé par Erdogan, des systèmes d’éducation égalitaire et de protection des femmes sont en place et semblent actuellement fonctionner, tant que la guerre ou une invasion turque ne les détruira pas. Que ce soit dans les enclaves kurdes ou en territoire turc les organisations civiles et politiques kurdes sont engagées dans la défense des femmes ce qui ne va guère dans le sens de la politique islamique d’Ankara.
Autre pays, autre religion, même combat
La Pologne sous l’influence d’une église particulièrement conservatrice en est arrivée à la quasi interdiction de tous les avortements le 27 janvier dernier. Le parti Droit et Justice au gouvernement a dépossédé les femmes de leurs droits au nom d’un obscurantisme religieux remarquable. Le tribunal constitutionnel, à la botte du président qui lui est soumis au clergé, vient de statuer que l’avortement est illégal même en cas de malformation du fœtus, s’alignant en cela en tous points sur les enseignements officiels d’une l’église polonaise ultra-conservatrice.
Selon certaines sources 200.000 IVG clandestins sont pratiquées en Pologne tous les ans, 1000 selon les sources officielles.
Le 28 juillet 2020 le ministre de la justice polonais confirmait qu’il continuerait la procédure afin de sortir du traité d’Istanbul.
Qui a peur des femmes ?
Le gouvernement est également engagé dans un lent mais constant laminage des droits et de la protection des femmes et des LGTB dans un contexte de pandémie où les violences domestiques augmentent, comme en Turquie.
Les condamnations et procédures lancées par les institutions européennes n’ont que peu d’effet.
La même dynamique pernicieuse est lancée en Hongrie ou Orban a lancé un plan »pro familia » recommandant que chaque famille ait au moins 4 enfants. Une politique de restriction au droit de l’avortement est en cours et comme en Pologne, dans constitution, protection de la vie à partir du moment de la conception a été gravé dans la constitution. La Slovénie s’y met également et il est difficile de ne pas y voir la signature d’une frange du clergé obsédé par un retour à une orthodoxie intolérante et malsaine.