Dans le cadre de la journée internationale du sport féminin, Amy Tompson, footballeuse luxembourgeoise, évoque son parcours et les inégalités rencontrées lors de sa carrière.

Par Anaïs Riffi / crédit photo : Albert

Pouvez-vous retracer votre parcours en tant que footballeuse Luxembourgeoise ?

J’ai amorcé mon parcours dans le football dans les années 2000 au sein du club RM86 à Luxembourg, évoluant avec les garçons jusqu’à l’âge de 14 ans, soit jusqu’en 2008. Par la suite, ma transition vers le FC progrès Niederkorn s’est opérée au sein de l’équipe féminine. Bien que membre de l’équipe nationale, à l’époque, je me suis retrouvée dans l’incapacité de participer aux matchs en raison de l’absence de la nationalité luxembourgeoise, que j’ai toutefois obtenue par la suite.

Mon baptême officiel sur le terrain avec l’équipe nationale a eu lieu en 2010, alors que je n’avais que 16 ans. En 2013, j’ai pris la décision d’évoluer avec le SV Bardenbach en Allemagne, notamment en Bundesliga 2. De 2013 à 2015, j’ai eu l’opportunité de jouer pour l’équipe de Sarrebruck. Mon itinéraire, un an plus tard a pris une tournure académique avec un passage à l’Université d’État de New York à Stony Brook jusqu’à la fin de l’année 2016. Je me suis rendu compte de la différence physique qu’il y avait entre les sportives américaines et les footballeuses européenne. Un passage qui a tout de même été très formateur.

Un retour au Luxembourg par la suite, marqué par une pause nécessaire en raison d’une blessure. En 2017, j’ai accepté le rôle de coach à Niederkorn, j’avais besoin de renouveau. Ces deux années de pause m’ont permis de me recentrer sur mes objectifs. Depuis 2021, je fais partie de l’équipe de Mamer, et j’ai l’intention d’y rester encore quelques années.  

Ressentez-vous des inégalités d’exposition entre femmes et hommes ?

En ce qui concerne la mise en lumière et la visibilité, il est indéniable que nos matchs ne sont diffusés que lors des compétitions nationales et ne bénéficient pas d’une diffusion sur RTL télévision mais uniquement en livestream.

Comment percevez-vous l’évolution de la reconnaissance des femmes dans le football au Luxembourg au fil des années ?

L’évolution s’avère bénéfique malgré les épreuves traversées. La possibilité de participer à des qualifications de grande envergure et aux ligues des nations témoigne d’une volonté émanant des fédérations de promouvoir l’égalité entre les sexes. Je perçois également un enthousiasme croissant envers le football féminin, ainsi qu’une reconnaissance grandissante. En résumé, je retiens des éléments positifs de cette évolution, tout en espérant un changement significatif dans les 10 prochaines années.

Comment pensez-vous que les stéréotypes de genre peuvent affecter la participation des femmes au football, et quelles initiatives pourraient contribuer à les combattre ?


La déclaration selon laquelle « les filles ne savent pas jouer au football » est une remarque que j’ai eu l’occasion d’entendre en tant qu’entraîneur. Des remarques sexistes qui venaient de la part d’autres entraîneurs, lorsque des jeunes filles jouaient aux côtés des garçons, pouvant suscitant un profond mécontentement et une frustration chez ces dernières. J’ai accueilli plusieurs de ces jeunes filles au sein de mes équipes, constatant un impact négatif sur leur motivation à s’engager dans le sport. Il est impératif de recruter des entraîneurs formés et surtout dotés d’un esprit ouvert. Cette mentalité semble désuète à mes yeux. Les entraîneurs exercent une influence significative sur la jeunesse, et il est essentiel de maîtriser les discours qui alimentent ces stéréotypes. Les jeunes qui sont exposés à de tels propos ne font que perpétuer ce mode de pensée. Il est impératif de rompre avec ce cercle vicieux en opérant une sélection rigoureuse parmi les éducateurs sportifs.

Quelles sont vos aspirations personnelles et professionnelles pour l’avenir dans le domaine du football ?

Je nourris l’espoir de revenir en pleine forme après ma blessure. Mon aspiration est de consacrer plusieurs années au sein de l’équipe nationale, éventuellement d’accéder à la ligue B de la “Nation League” et remporter des trophées significatifs. Par la suite, peut-être envisager une transition vers une carrière d’entraîneur, en me consacrant toujours au football féminin. Mon désir ardent est de le promouvoir et œuvrer pour son élévation au même niveau que celui pratiqué par les hommes, une conviction que je porte avec confiance. Je souhaite contribuer à la réduction des disparités entre les sexes dans le football et crois en la possibilité d’atteindre cet objectif. Si l’occasion se présente d’inspirer et d’influencer des jeunes joueuses, je m’engage à le faire avec détermination.

Comment pouvez-vous inspirer d’autres jeunes filles à s’impliquer dans le football et à poursuivre une carrière dans le sport ?


Dans la mesure du possible, je souhaiterais avoir l’opportunité d’exprimer mon récit de vie de manière étendue, en participant à des événements tels que des reportages et des tables rondes, notamment celle du 24 janvier au Cercle Cité à Luxembourg. Mon désir est de partager mon parcours afin qu’il puisse résonner auprès des jeunes joueuses, démontrant qu’aucun rêve, qu’il soit modeste ou ambitieux, n’est hors de portée. Je souhaite transmettre le message selon lequel la discipline, la concentration et le travail acharné, combinés à une approche ludique, peuvent ouvrir des perspectives prometteuses. Il est crucial de considérer l’avenir en planifiant au-delà du football, en incluant des éléments tels que des études ou un emploi pour assurer une sécurité. Les joueuses ont la possibilité de bâtir une carrière durable.

Quels changements ou améliorations aimeriez-vous voir dans la promotion de l’égalité des sexes dans le football, aussi bien au niveau local qu’international ?


Il existe divers aspects à considérer. Sur le plan financier, mon souhait est de voir disparaitre les disparités entre les genres ; en termes de visibilité, il nous incombe de viser le même niveau, même si actuellement on en est loin. Il faut entreprendre des actions et discuter de stratégies concrètes. Mon aspiration est de détourner l’attention des aspects négatifs, afin de mettre en avant le progrès plutôt que l’inégalité. Poursuivons des solutions durables, sans nous attarder sur le passé.

Quelles sont les récompenses/titres qui vous rendent la plus fière ?


Les réalisations dont je tire le plus de fierté incluent le titre de champion acquis avec Niederkorn et la qualification en équipe nationale, des moments véritablement historiques pour nous. Nous avons triomphé avec une avance de 9 points, marquant ainsi mon retour réussi au sein de l’équipe nationale. Sur le plan individuel, être récompensée en tant que meilleure joueuse avec le trophée du drible d’or et celui de la meilleure joueuse de la saison est particulièrement gratifiant. Du point de vue collectif, contribuer au succès de l’équipe me procure également une immense satisfaction. En tant que coach, nous avons été couronnées championnes d’hiver avant l’avènement de la pandémie de COVID-19, et j’apprécie tout autant l’évolution remarquable que nous avons connue avec nos jeunes athlètes. Nous avons commencé à un niveau modeste pour finalement remporter des victoires contre des équipes de renom.

Attachiez-vous une importance particulière à participer à une table ronde dédiée au sport féminin ?

Je tiens profondément à cet engagement. C’est toujours un privilège d’être invité et sollicité pour partager ma passion et mon parcours. Ma participation à cette table ronde vise à mettre en lumière le football féminin, trop souvent relégué à l’ombre d’autres disciplines olympiques telles que le karaté ou le judo. Le football mérite une reconnaissance accrue, et ma présence souligne le rôle et l’importance que je peux jouer dans le domaine du football. Mon parcours riche me confère une voix influente pour porter haut et fort la cause du football féminin